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Haute-Silésie. La Ruhr ! « Nous savons bien, m’a-t-il été cent fois répété, que les Anglais ne veulent pas que vous l’occupiez. Ils ne veulent pas que vous preniez en Europe une situation prépondérante. Ils sentent d’ailleurs mieux que vous l’importance qu’aurait à bref délai cette reconstitution économique de l’Europe à laquelle vous mettez tant d’obstacles. Ils rendent hommage mieux que vous à nos efforts et savent bien que nous ne sommes pas un danger pour l’avenir ( ? ) » Quant à la Haute-Silésie, aucune question n’a contribué autant que celle-là à surexciter la haine des Allemands à notre égard. Que n’avons-nous, hélas ! au lendemain de l’armistice, tracé, « d’après les statistiques allemandes, » la limite que nous avons tant de peine à déterminer maintenant ? On se fût incliné devant cette solution : j’en ai eu l’assurance maintes fois répétée.

Les Allemands ne se sont pas trompés en pensant que le temps travaillerait pour eux. Ils cherchent, par tous les moyens imaginables, à empêcher la résurrection de la Pologne. « La Pologne ! mais elle n’est pas viable ! Les Polonais sont si arriérés qu’ils sont incapables de constituer un État ! Ils ne parviendront à se civiliser, me disait une Allemande fort instruite, une ancienne admiratrice du professeur Lasson, que dans la mesure où ils accepteront de subir l’influence d’une race supérieure, la race allemande ! » Ainsi reparaît la thèse que l’Allemagne soutenait si énergiquement avant la guerre, la thèse des races supérieures et des races inférieures, la thèse d’après laquelle celles-ci doivent accepter « pour leur plus grand bien » la tutelle des premières. C’est à l’Allemagne investie d’une mission providentielle qu’il appartient d’entraîner dans son orbite les peuples qui l’entourent. L’Allemagne veut, dans le domaine politique comme dans le domaine économique, réaliser la grande loi de la concentration.

Les Allemands agitent, au surplus, à propos de la Haute-Silésie, un autre problème, un problème économique. Beaucoup d’entre eux ne se préoccupent guère de la question de savoir s’il faut reconnaître aux habitants du pays le droit de décider de leur sort. C’est une question secondaire. Il s’agit, en prévision d’un nouveau conflit et de l’éventualité d’une occupation de la Ruhr par les armées françaises, de conserver une région qui, au double point de vue métallurgique et minier, permettrait de tenter une nouvelle guerre avec quelque chance de succès.