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avec le général Le Rond, M. Lloyd George avait laissé entendre que le territoire de la Haute-Silésie devait être livré à l’Allemagne, parce qu’elle avait besoin, en partie, du charbon de la province. Autre chose sont cependant la possession du sol et la nationalité des habitants, autre chose, la vente et la destination des produits. On comprendrait fort bien qu’il fût établi, sous le contrôle des Alliés, des accords économiques entre la Pologne et l’Allemagne pour une certaine portion du charbon silésien. La Pologne n’a pas cessé de déclarer qu’elle se prêterait à des combinaisons de cette sorte. Les experts anglais les regardaient comme possibles au moment de la conférence de Bruxelles, c’est-à-dire avant le plébiscite. Aujourd’hui que le plébiscite a donné la majorité aux Polonais dans 673 communes du bassin minier, contre 230 localités seulement où la pluralité des voix s’est prononcée pour l’Allemagne, on se demande quelles raisons avouables il pourrait y avoir de placer cette région sous la souveraineté germanique. J’entends bien que M. Wirth s’écrie, en réponse à M. Briand : « La Haute-Silésie fait partie de L’Allemagne depuis sept cents ans. » Mais, pour les besoins d’une cause insoutenable, il confond le Saint-Empire d’autrefois avec l’Allemagne. Si son raisonnement avait quelque valeur, il faudrait dire que la Bohême, dont a dépendu la Silésie, est allemande, que l’Alsace est allemande, que le Tyrol, la Vénétie, la Lombardie sont allemands, et ainsi de suite. C’était l’opinion des pangermanistes. Ils ont fait de bons élèves dans la jeune démocratie du Reich. J’entends bien aussi que le général Hœfer a nargué pendant quinze jours la Commission interalliée, que les offensives allemandes ont plusieurs fois recommencé et que le gouvernement du Reich traite effrontément d’intolérables les significations des Alliés. Si cette farce sanglante continue, on reconnaîtra peut-être que la politique des gages avait du bon, qu’il est temps de faire jouer « les sanctions automatiques » et que c’est dans la Ruhr qu’il faut sauver la Haute-Silésie.


RAYMOND POINCARÉ.


Le Directeur-Gérant,

RENÉ DOUMIC.