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mêmes ou par des alliés. Il est donc à souhaiter que, sous les auspices du nouvel article 21, et dans le seul intérêt du maintien de la paix, nous ne nous séparions pas du bloc central et oriental. Ce sera encore le meilleur moyen de boucher les fissures du bloc occidental.

Déjà, la crise par où vient de passer l’Entente cordiale a forcé, de chaque côté du Détroit, nombre de gens à réfléchir. En France, l’opinion que j’ai expri-mée sur la nécessité d’un examen général des questions pendantes a rencontré des approbations que je n’avais pas toutes espérées. En Angleterre, l’idée, si vaillamment soutenue par lord Derby, d’une alliance franco-britannique, a fait quelques progrés dans les esprits. Le Times l’a défendue avec la même énergie que le Morning Post. Ces grands journaux et quelques autres ont loyalement reconnu que l’Angleterre n’était pas toujours très bien renseignée sur le véritable état d’esprit de la France. Notre désir de réparations est assurément connu dans tout l’Empire britannique ; mais ceux-là seuls savent quelle importance vitale a pour nous cette question, qui ont vu, de leurs propres yeux, les ruines accumulées chez nous par la guerre. La crainte éprouvée par la France d’un réveil militariste en Allemagne et de la préparation d’une revanche, le désir que nous avons d’être sérieusement garantis contre de nouvelles invasions, sont à peine connus, dit le Times, de la grande masse du peuple anglais. Comment nous en étonner ? Ne nous arrive-t-il pas constamment à nous-mêmes de mal comprendre la pensée de nos voisins d’outre-Manche ? Lorsque deux hommes discutent entre eux, ils ont déjà grand’peine à lire chacun dans l’esprit de l’autre, à discerner réciproquement les raisons profondes de leurs jugements et de leurs actes ; et cependant, sans cette connaissance mutuelle, les controverses en apparence les plus savantes ne sont que de misérables quiproquos. Que dire des discussions entre peuples ? Depuis de longs siècles, la Gaule et la France voient périodiquement des hordes barbares traverser le Rhin, submerger la vallée de la Moselle et s’avancer vers la Cham-pagne, en dévastant tout sur leur passage. Pendant ce temps, les Anglais se sentent à l’abri derrière leur ceinture maritime et sont portés à croire que nous sommes aussi tranquilles qu’eux. Ce n’est pas du tout par égoïsme qu’ils ne partagent pas nos inquiétudes ; c’est parce qu’ils ne les « réalisent » pas. « A qui il grêle sur la tête, écrit Montaigne, tout l’hémisphère semble être en tempête et orage. » On peut dire avec tout autant de vérité : « A qui le ciel est clément, tout l’hémisphère paraît ensoleillé. » Les avions et les zeppelins ont momentanément troublé la placidité britannique, mais