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la grande salle était pleine de monde qui retentissait ; à peine pûmes-nous passer. » C’est à travers une foule d’admirateurs que le prince de Conti se fraya un chemin jusqu’à son carrosse.

Toute l’Europe lut dans la Gazette d’Amsterdam le récit de cette glorieuse sortie. Le monde ne fut pas aussi favorable au prince de Conti que le public de l’audience. La colère effroyable de Mme de Nemours, ses hauts cris, les traits « forts, justes, et, avec cela très plaisants, » dont elle cribla ses juges et sa partie, y furent certainement pour quelque chose. C’était, à l’issue malheureuse de son procès, la même femme exaspérée que Saint-Simon nous montre en une autre occurrence, « vêtue à son ordinaire comme une vendeuse de pommes, » avec « des accoutrements très opposés aux modes, et ses cheveux fort mal arrangés et lui tombant sur le visage, tels qu’elle les avait toujours, son tic redoublé de colère, qui était une épaule allant seule et en saccade, la fureur dans les yeux qui d’eux-mêmes n’étaient pas bien droits ; en un mot, une figure ridicule, si l’esprit et encore plus la grandeur n’y eussent pas été toujours singulièrement peints. »

Autorisé à montrer que l’abbé d’Orléans était un pauvre dément, le prince de Conti n’en avait pas fini avec les procès. Il connaissait son adversaire pour une enragée plaideuse. Mme la duchesse de Nemours, princesse de Neuchâtel et Valangin, ne le cédait nullement sur ce point à l’héroïne de Racine, Madame la comtesse de Pimbesche, Orbesche et caetera.


À la suite de la sentence du 10 janvier 1696, le prince de Conti prouva la folie de l’abbé d’Orléans ; mais Mme de Nemours prouva le bon sens du même abbé. Aux soixante-seize témoins du prince de Conti elle en opposait quatre-vingt-cinq. La cause fut portée une seconde fois aux requêtes du palais, et les avocats bataillèrent : six mois de débats, l’un des juges récusé par Mme de Nemours, la récusation jugée impertinente, Mme de Nemours appelant de ce jugement. Tandis qu’elle poursuivait son appel, après un délibéré sur le registre et onze matinées de délibérations, le 1er  août 1697, une sentence ordonna l’exécution du premier testament en faveur du prince de Conti. Loin de s’avouer vaincue, Mme de Nemours se hâta d’interjeter appel.

C’est au commencement de l’année 1698, que la cause revint devant la grand’chambre. D’Aguesseau parla quatre fois.