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MM. Brunet de Rancy et de Meynon, avec faculté de rachat pendant trois ans. Le prince demeura en correspondance avec quelques seigneurs polonais ; on songea encore vaguement à lui, en 1704 après la déchéance d’Auguste ; mais il ne fut plus jamais roi de Pologne que sur l’amusante gravure où Trouvain le représente au milieu des attributs de sa royauté éphémère.


UNE CAUSE CÉLÈBRE

Cette comédie judiciaire et politique se développe en plusieurs tableaux. Elle avait eu son prologue avant la royauté de Pologne. Le 10 janvier 1696, une foule nombreuse se pressait au Palais. « Toute la France en hommes, » raconte Saint-Simon, remplissait la grand’chambre où les juges allaient faire leur entrée. Le petit duc, si curieux observateur, était très bien placé dans une tribune, dite lanterne haute, munie de jalousies, commode pour être à la fois invisible et présent. Assis sur un banc avec M. de La Roche-Guyon, auprès du prince de Conti et du Duc de Bourbon, qui avaient eu soin de mettre leurs officiers devant eux, il entendait du fond de la tribune la rumeur confuse des conversations, il apercevait la marée mouvante des têtes, les gestes et « les secouements de perruques. »

La cour et la ville étaient rassemblés dans l’attente de passionnants débats. Cinquante-cinq audiences n’avaient pas lassé la patience de la foule. On allait enfin entendre les conclusions de l’avocat général et la lecture du jugement. Cette cause, « la plus immense qu’on eût portée devant la grand’chambre, » n’était autre que le procès intenté par la duchesse de Nemours au prince de Conti pour lui disputer l’opulente succession de la maison de Longueville, éteinte, dans les mâles, deux ans auparavant. Il s’agissait de quatorze cent mille livres et de droits sur la principauté de Neuchâtel que les Orléans-Longueville, descendants du bâtard d’Orléans, le fameux Dunois, avaient hérité des Neuchâtel-Hochberg et dont ils étaient souverains depuis 1504.

Voici comment la succession de Longueville pouvait échoir à François-Louis de Bourbon, prince de Conti, né du mariage du frère du Grand Condé avec Anne-Marie Martinozzi, nièce de Mazarin. L’avant-dernier duc de Longueville avait eu deux femmes, d’abord Louise de Bourbon, fille du comte de Soissons, puis Anne-Geneviève, sœur du Grand Condé et du premier