Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/872

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

noblesse » durent aller tirer des coups de pistolet sous les fenêtres des évêques de Posnanie et de Livonie qui en avaient ordonné la fermeture. Le cortège entra enfin au bruit du canon. En l’honneur du prince de Conti, la ville s’illuminait, et le cardinal entonnait le Te Deum ; mais là-bas, dans le camp, avant même que le cardinal eût proclamé le prince de Conti dans le kolo, l’évêque de Cujavie, devant Jablonowski, Potocki, Sluska et les compagnies favorables au Saxon, avait proclamé roi de Pologne et grand-duc de Lithuanie, Frédéric-Auguste électeur de Saxe.

L’audacieux évêque arriva à son tour à Varsovie ; il trouva les portes de l’église Saint-Jean ouvertes, l’autel préparé ; il entonna le Te Deum et rendit grâces à Dieu d’avoir donné la couronne à l’électeur de Saxe, comme le cardinal avait rendu grâces à Dieu, devant ce même autel, d’avoir donné la couronne au prince de Conti. Le lendemain, Fleming parut dans l’église Saint-Jean, avec le titre d’envoyé extraordinaire de l’électeur de Saxe, et jura, au nom de son maître et sur le Saint-Sacrement, d’observer les pacta conventa : cérémonie scandaleuse, puisque le maître était à demi luthérien, le serviteur calviniste, et tous deux d’une bonne foi plus que suspecte. Sur l’ordre de l’évêque, deux gentilshommes qui s’en scandalisèrent trop haut, furent apaisés à coups de sabre. La bagarre s’étendit jusqu’au pied de l’autel, d’où un chanoine emporta le Saint-Sacrement dans la sacristie ; et, comme les protestations ne cessaient pas, l’or fit rapidement ce que le sabre n’avait pu faire.

Cependant Galleran, secrétaire de l’abbé de Polignac, emportait en France une lettre du cardinal et quelques lignes par lesquelles les deux abbés diplomates annonçaient à Louis XIV, avec une joie qui n’était pas sans mélange, la nouvelle de cette élection contestée. Leur courrier pouvait traverser l’Europe au galop de ses chevaux de poste, joindre, au bout de quatre cents lieues, le roi légitime de Pologne, les députés du parti saxon allaient, sur les frontières de la République, s’entendre avec l’usurpateur qu’ils avaient élu.


Dans l’après-dîner du 11 juillet, Monseigneur et le prince de Conti faisaient route à travers les riants paysages qui séparent les hauteurs de Meudon du val de Marly. Ils avaient passé quelques