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« Si je ne reçois rien de vous pour le 10 janvier, je partirai probablement.

« Si je reçois un mot de vous, je ferai ce que vous me direz, quoi que ce soit. »

Le 10 janvier passa. La réponse de M. Huvelin ne vint pas. Le 13, un convoi devait partir pour le Touat et le Tidikelt. Frère Charles, ayant considéré qu’il avait, lui, la possibilité de visiter ces régions, et que « peut-être aucun prêtre ne l’aurait d’ici plusieurs années, » se décide à entreprendre le voyage qui lui coûtait si fort. Il écrit, à la date du 13 janvier 1904 : « Je retire, ce matin, la sainte réserve du tabernacle, et je pars, à huit heures, pour Adrar, capitale du Touat, à pied, avec le catéchumène Paul pour me servir la messe, avec une ânesse portant la chapelle et les provisions, avec l’ânon qui ne porte rien, des sandales neuves et deux paires d’espadrilles. »

Il commençait ainsi une nouvelle phase de sa destinée. Il allait vers ces inconnus, les Touaregs de l’Ahaggar, qui auraient la plus large part de son amitié et de son apostolat, et chez lesquels serait consommé, un jour, son sacrifice. N’avait-il pas écrit à son supérieur le Père Guérin : « Vous demandez si je suis prêt à aller ailleurs qu’à Béni Abbès pour l’extension du Saint Evangile : je suis prêt, pour cela, à aller au bout du monde et à vivre jusqu’au jugement dernier. » N’avait-il pas coutume de dire : « La crainte est le signe du devoir ? »


RENE BAZIN.