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de Béni Abbès, parti, aussitôt la nouvelle reçue, avec 45 hommes de son makhzen et 40 méharistes de la compagnie de Timimoun, relevait les traces fraîches du rezzou dans les dunes de Tabelbala, au sud-ouest de Béni Abbès, surprenait les Berâbers auprès du puits de Bou Kheïla, leur tuait 30 combattants, et mettait les autres en fuite.

Bientôt, des entreprises d’une plus grande importance allaient être tentées contre nous et contre les tribus ralliées. On le savait. Les renseignements affluaient de toutes parts. On ignorait seulement quel serait le premier attaqué de nos postes de la Zousfana ou de la Saoura. Serait-ce Béni Ounif ? Taghit ? Béni Abbès ? Frère Charles est informé de ces rumeurs qui courent le désert. Le prêtre et l’ancien officier, tout lui-même s’émeut et demande à servir. Il devine, il calcule que le poste de Taghit est plus menacé que les autres : une compagnie de tirailleurs, une compagnie du bataillon d’Afrique, une soixantaine de cavaliers du makhzen, c’est une bien faible garnison. En outre, le poste est dominé de plusieurs côtés. Il y aura des morts et des blessés ; il y aura du danger. Sûrement le devoir est là. Frère Charles écrit, le 12 août, au capitaine de Susbielle, commandant le bureau arabe de Taghit, lui demandant : « Pouvez-vous m’envoyer chercher ? On ne veut pas me laisser partir seul, parce que les routes ne sont pas sûres. » Il est prêt ; il s’attend à quitter Béni Abbès d’un moment à l’autre, et, par précaution, retire le Saint-Sacrement du tabernacle de sa petite chapelle. Tout à coup, les nouvelles cessent d’arriver., Pendant six jours, aucun courrier ne parvient à Béni Abbès.

La grande nuée d’orage est en marche. Une harka, une colonne d’expédition composée de 9 000 personnes, hommes, femmes, enfants, de toutes les fractions des Berâbers, de tous les districts de la région marocaine du Tafilelt, va tomber sur la Zousfana. Elle est commandée par un de nos ennemis les plus décidés, Mouley Mostapha, chérif de Matrara. Elle compte près de 6 000 combattants, dont 500 méharistes ; la plupart sont armés de fusils se chargeant par la culasse ; 600 chameaux de bât portent les vivres.

Le capitaine de Susbielle fait mettre en état de défense le village de Taghit, où se réfugient nos protégés de quelques tribus soumises. A une armée d’ennemis, il ne peut opposer que 470 hommes et deux canons de 80 de montagne. Le 17 au