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en images que, pour s’expliquer à lui-même « comment il est revenu au catholicisme, » il est contraint, sous peine d’en éliminer une raison déterminante, de faire une description, — celle du désert : « Aucun cloître, dit-il, ne vaut le désert, non seulement pour couper toute attache entre nous et le monde, mais pour nous faire sentir notre dépendance et en même temps nous restituer à nous-mêmes. Rien ne commente, avec une plus magnifique et terrible évidence, le célèbre morceau de Pascal sur la grandeur et la misère de l’homme. C’est ici que le roseau pensant éprouve le mieux la tragique horreur de ces grands espaces vides, de ces infinités qui le pressent de toutes parts, mais aussi le prix infini d’être une petite pousse de vie dans ces espaces de mort et de stérilité, un éclair de pensée parmi la stupidité sans bornes de toute cette matière... Il est impossible de vivre dans ces immensités hostiles et splendides sans se replier sur soi-même, et sans essayer de s’en évader vers l’au-delà. Le désert vous force à penser. La prière et la méditation sont les seuls fruits de cette terre sans ombre et sans eau. Brusquement retiré du milieu social et civilisé, l’individu se voit tel qu’il est dans sa détresse originelle, c’est-à-dire faible et nu ; il connaît le peu qu’il vaut, mais aussi ce qu’il vaut. Toutes les barrières qui rétrécissaient son horizon sont tombées, le tumulte du monde qui l’étourdissait, les bruits de la chair et du sang qui l’abêtissaient, tout cela c’est tu. Il comprend qu’il n’est qu’une parcelle de l’Etre, qui, peu à peu, se révèle à lui dans la raréfaction de plus en plus sévère des formes sensibles... »

C’est là une des plus belles pages de notre langue.


On est ébloui de tant de splendeur et comme il arrive souvent devant l’œuvre d’un grand coloriste, on ne prend tout d’abord pas assez garde au dessin, je veux dire à l’armature qui détermine les tons et justifie le détail. Pour peu qu’on s’y arrête cependant, on trouve sous ce riche décor, reconnaissable parmi des formes multiples, toute une sociologie. Parce que les gens qui nous l’enseignent, sont, d’ordinaire, dépourvus d’imagination et de mouvement, parce que les auteurs de « monographies » négligent les aspects de la passion et les blandices du style, il ne s’ensuit pas que les autres formes d’enquête