Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/811

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

communiste, de simples numéros dans une liste d’adhérents à un syndicat. Quand une grève éclate, ils se refusent à marcher sans savoir pourquoi. Quand l’appel du sang et de la race les achemine vers le devoir patriotique ou familial, ils ne résistent pas au nom d’une théorie. Les fils de Pépète ont fait la guerre. Les rouliers du Sud algérien fondent des familles. Et ils en sont fiers... Nous voilà loin du roman dit « naturaliste, » de l’étriqué ou de l’arbitraire d’une formule donnée ! Pareillement, ses saints ne sont pas des saints de marbre ou de bronze, tout d’une pièce, tels que les hagiographies les font paraître pour l’édification des dévotes. Ils ne marchent pas au martyre comme des somnambules. Ils ne sont pas anesthésiés par leur foi. Ils n’ont rien du fakir. Ce sont des créatures de chair et de sang, comme les autres, de passion et de faiblesse, qui luttent, qui trébuchent, qui vont au devoir, soutenus par la grâce, avec toutes les hésitations, les incertitudes et les angoisses de la pauvre nature humaine.

Ce goût des réalités et cette franchise ont conduit M. Louis Bertrand, en matière d’archéologie et d’esthétique, à des doutes qui, pour les pédants, frisent de bien près l’hérésie. Voulant se représenter vivantes les figures et les choses que les monuments lui montraient figées et les textes fragmentées, il lui arriva ce qui arrive à quiconque désire réaliser l’Histoire et ressusciter le Passé. Il sentit que ni les textes, ni les monuments ne nous disent tout. Les hommes de l’Antiquité, pour cela seul qu’ils étaient des hommes, et les choses, parce qu’elles étaient les choses que nous connaissons, devaient produire des gestes et des phénomènes dont il faut tenir compte, même dans le silence des textes et la carence des monuments. L’Art et surtout l’Art grec stylise, choisit, simplifie, ne garde des actions et des costumes que ce qui s’accorde avec son sentiment de la mesure, de la dignité, de la beauté. Et il fait bien : l’enchantement produit par ses chefs-d’œuvre le prouve. Mais nous nous tromperions en y voyant l’aspect véritable de la vie antique.

De même, les textes. Ils nous livrent des mots, non des choses, « L’écriture comme la ruine, ce n’est plus que la coquille de l’homme d’autrefois. » En se remémorant quelle cohue d’édifices et de statues s’entassaient, se surplombaient, se rencognaient dans de très petits espaces, sur les Acropoles, l’auteur de la Grèce du Soleil et des Paysages s’est