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Comme beaucoup d’autres, ils ont probablement péri, ou ont été fait prisonniers.


III. — LA RETRAITE DE RUSSIE

Pendant le séjour de l’Empereur au Kremlin, il y avait eu quelques pourparlers pour entrer en négociations ; chaque jour on avait été dans l’attente d’une réponse favorable. Mais en y réfléchissant un peu, qu’était-il permis d’espérer d’un ennemi qui avait livré aux flammes une cité telle que Moskow ? Qu’est-ce que cet ennemi avait maintenant à perdre ? Les suites ont prouvé qu’il ne voulait autre chose qu’amuser l’Empereur et lui inspirer de la confiance, jusqu’à ce qu’il eût réorganisé et réuni son armée, nous laisser nous user, nous consumer dans cette ville, qui n’était plus qu’un monceau de cendres, ou dans des cantonnements où il n’y avait rien à manger ni pour les hommes ni pour les chevaux, et enfin nous retenir en Russie le plus longtemps possible, afin que l’hiver qui s’approchait à grands pas nous surprît pendant notre retraite, loin encore de tout secours. Cette politique a malheureusement réussi aux Russes, qui nous ont fait payer bien cher la gloire que nous avons eue d’avoir fait la conquête de leur ville sainte.

Le temps s’écoulait rapidement et aucune réponse satisfaisante n’arrivait au quartier impérial. A Moskow, tout le monde paraissait être dans une parfaite sécurité, lorsque l’on apprit que, soudainement, les Russes avaient attaqué les avant-postes français. Cette nouvelle inattendue porta un peu de trouble dans les esprits.

L’Empereur se mit promptement en mesure de répondre à cette agression. Le jour du départ fixé, l’ordre fut donné à l’armée de se diriger vers le Sud. Nous abandonnâmes Moskow et ses ruines le 19 octobre, je crois.

Dès cette époque, les beaux jours disparurent et les nuits commencèrent à devenir plus longues ; le soleil se cachait fréquemment et l’horizon se noircissait de plus en plus ; les visages devenaient sérieux ; on semblait pressentir et redouter un fâcheux avenir.

A Smolensk, le froid était déjà un peu vif. La désorganisation dans l’armée commençait à se faire voir d’une manière effrayante. La garde était bien diminuée. Dans cette même ville, en allant, elle était nombreuse et encore dans toute sa