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Ce que je gagne est peu de chose, il est vrai ; mais c’est pour Commencer. A mesure que le nombre des écoliers augmentera, mes appointements seront plus considérables. Cette petite somme (trente sous par jour) sera pour le logement, ce qui est déjà quelque chose, et par la suite, je puis être chef de l’établissement, si il réussit, ce qui est assez probable. » Quelques mois plus tard, on le voit qui se dépite de ne pas trouver de logement dans le quartier, à proximité du Luxembourg. Il put cependant s’installer à Paris, puisque sa seconde fille, Isabelle » y est née le 11 juillet 1826. Finalement, « l’établissement » n’ayant peut-être pas prospéré, ou Saint-Denis l’ayant quitté, il se décida à s’établir en province, pour y vivre plus économiquement. Nous ne savons pourquoi il choisit la ville de Sens. Peut-être y fut-il attiré par un ami, l’officier en retraite Dufeu, qui le fit plus tard son légataire universel. Peut-être voulut-il se rapprocher de Marchand, son compagnon de Sainte-Hélène, qui s’était installé non loin de là dans sa propriété du Verger, sur la commune de Perrigny, à la porte d’Auxerre.

Saint-Denis a passé à Sens le reste de sa vie, d’abord rue des Canettes, ensuite sur l’Esplanade. Il n’en est sorti que pour de rapides voyages à Paris, — notamment quand il s’agissait d’aller hâter la délivrance si tardive du legs de l’Empereur, — et pour le pèlerinage de Sainte-Hélène. Quand il fut question en effet de ramener en France les cendres de l’Empereur, Saint-Denis réclama l’honneur de faire partie du voyage : cette faveur lui fut accordée, grâce à l’intervention de M. Thiers.

Il avait eu quelques velléités de solliciter une fonction sous le gouvernement de Juillet. Puis il y avait renoncé : il lui était dur d’aliéner sa liberté, et il se demandait, — il avait même demandé au Grand-Maréchal Bertrand, — si accepter une place de tout autre que de l’Empereur, ce n’était pas trahir la mémoire de son maître. Il vieillit, entouré de l’estime de tous dans sa ville d’adoption ; il y fut censeur de la Caisse d’épargne. En 1841, il perdit sa femme, qui lui avait donné, outre Clémence et Isabelle, une troisième fille, Napoléone-Mathilde, née en 1827. En 1854, il fut fait chevalier de la Légion d’honneur.

Il mourut le 9 mai 1856. Il léguait à la ville de Sens quelques-uns des objets qu’il avait conservés en mémoire de son Empereur : les deux volumes de Fleury de Chaboulon avec des notes de la main de Napoléon, qu’a publiées M. le sénateur