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dit à Verling qu’il avait pris des sels de Chelltenham, et de l’huile de castoreum. On ne pouvait obtenir qu’il prit aucun remède par la bouche. » « Il n’avait pas été à la garde-robe depuis huit jours, et les lavements salés et à l’huile ne produisent aucun effet » (12 septembre). Montholon lui propose (14 septembre) de prendre un peu du sel purgatif que Verling lui a donné, mais il refuse parce qu’il n’en a pas chez lui. » Cette constipation devient la grande affaire. Du reste, il sort à peine, ne prend pas l’air, ne s’alimente pas. « Quelle qu’ait été la nature de son attaque du 16 janvier, dit Montholon, Napoléon n’a jamais été le même homme depuis. Il passe la plus grande partie de son temps au lit ; le plus léger exercice le fatigue. Quant à son travail, il est si peu digne de ses anciennes productions que lui, Montholon, est quelquefois sur le point de le lui faire observer. »

Ainsi, quel que soit l’avis que l’on porte sur l’état de Napoléon à la fin de 1819, on est amené à penser que le cancer a apparu ; qu’il est concurrent à la maladie de foie ; qu’il produit, outre des phénomènes de digestion particuliers, un affaissement qui est remarqué par les compagnons les plus affidés de l’Empereur ; que, dans ces conditions où l’organisme est si profondément troublé, la présence d’un praticien instruit, intelligent, et honnête, est indispensable, si l’on veut s’efforcer de connaître la maladie, pour tenter de la traiter, et de soulager le patient.

Ce praticien attendu, François Antommarchi, demandé par le grand-maréchal au nom de l’Empereur, le 22 mars 1818, débarque le 13 septembre 1819, dix-huit mois plus tard, à Jamestown. Il y trouve une invitation d’Hudson Lowe, et il s’empresse d’aller, au débarquer, diner à Plantation House avec celui que l’Empereur considère comme son bourreau.


Frédéric Masson.