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à couvert, et il proposa à l’Empereur d’appeler un des quatre médecins qui exerçaient dans l’Ile : Baxter, qui avait le titre d’inspecteur des Hôpitaux, et qui était le médecin particulier d’Hudson Lowe ; Stokoë, chirurgien du Conqueror, ou les aides-chirurgiens, Kay Livingstone qui, comme accoucheur de Mme Bertrand, avait ses entrées à Longwood, ou Verling. On ne pouvait demander à l’Empereur de choisir Baxter. C’était lui qui avait rédigé les faux bulletins, « et il est encore, disait Napoléon, bien d’autres motifs pour que sa présence me déplaise. » Restait Stokoë qu’il agréa.

Stokoë, requis par l’officier d’ordonnance sur la demande d’O’Meara, vint vers trois heures, et s’excusa de voir l’Empereur, disant que « la responsabilité était trop grande et qu’il ne voulait pas se mettre dans l’embarras. » Il avait eu communication du journal tenu par O’Meara. Il avait, comme O’Meara, conclu que la maladie était une hépatite ; mais il n’ignorait pas que cette maladie était exclue par le ministère britannique de celles que Napoléon pouvait avoir. Il préféra s’abstenir. C’était un homme prudent. Lowe, qui cherchait toutes les armes contre O’Meara, tira cette conclusion que Stokoë refusait d’entrer en consultation avec lui, et il s’empressa d’écrire à Montholon et de « lui recommander fortement Baxter pour son habileté, pour la fermeté et la décision de son diagnostic dans les cas douteux et difficiles. » Stokoë, interrogé par Lowe sur les motifs de son abstention, répondit que, dans un cas grave comme celui qui se présentait, il convenait que la consultation eût lieu entre trois praticiens. Lowe essaya alors de lui faire signer un papier où il eût déclaré qu’O’Meara devait être exclu de la consultation. Stokoë refusa, et s’en tint aux termes de la lettre qu’il avait écrite pour l’amiral Plampin, où il disait que « voir seul le général Buonaparte le placerait dans une situation extrêmement délicate et lui ferait encourir un degré de responsabilité dont il ne se sentait pas disposé à se charger, mais qu’il serait heureux de la partager avec tout autre médecin auquel on permettrait de le visiter. »

La crise de catarrhe ayant été passagère, il ne fut plus question de consultation. Le traitement mercuriel fut continué, mais, le 25 juillet, Lowe ayant reçu enfin de lord Bathurst l’autorisation de renvoyer O’Meara, exécuta les ordres du ministre, et installa Verling à Longwood.