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métropolitaines et coloniales. Plus tard, en 1916, lorsque l’Allemagne s’est ruée sur Verdun, pour tâcher d’ébranler et de crever le front des Alliés, c’est encore l’armée française qui a soutenu le choc et qui a passé presque tout entière dans la « noria » de Pétain pour arrêter l’ennemi sous les murs de la place lorraine.

Plus tard encore, en mars 1918, lorsque lord Milner a été envoyé en France par le cabinet de Londres, quelle était la situation ? L’éminent ministre britannique l’a dépeinte lui-même dans le memorandum qu’il a adressé le 27 mars 1918 à son Gouvernement : « Le grand mystère était l’effondrement de la cinquième armée, qui restait jusqu’alors inexpliqué. Par suite du degré de désorganisation de cette armée et du fait que les communications étaient coupées de toutes parts, il était difficile de se rendre compte de ce qui s’était passé. D’une façon générale, on ne pouvait douter cependant que cette armée ne fût brisée et qu’une brèche n’eût été ouverte entre le flanc droit de la troisième armée et les Français. » C’est à la suite de cette rupture, qui pouvait entraîner un désastre, qu’eurent lieu les entrevues de Compiègne et de Doullens et que le général Foch fut chargé par les Gouvernements britannique et français de coordonner l’action des armées alliées sur le front Ouest. Quelques jours après, cette première mesure aboutissait à sa conclusion logique, et Foch était nommé général en chef des armées alliées. On ne contestera point, je pense, que l’unité de commandement et le génie militaire de Foch aient été pour quelque chose dans le succès final.

La France a donc le droit de revendiquer une large part dans l’honneur de la victoire ; et elle a, hélas ! subi une part non moins large des sacrifices communs. C’est elle qui, de toutes les nations, a eu, non seulement la proportion la plus élevée, mais le chiffre absolu le plus fort, d’officiers et de soldats tués à l’ennemi. Restée sur la brèche du commencement à la fin, appelée à faire, aux moments critiques, les efforts les plus vigoureux, elle a payé de plus de quatorze cent mille morts les incomparables services qu’elle a rendus à la coalition. Que les Puissances alliées montrent leurs listes funèbres ! Elles ne sont, sans doute, pas moins glorieuses que les nôtres, mais elles sont toutes singulièrement moins longues et l’Empire britannique tout entier, avec le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les Indes, reste loin derrière nous, à distance de plusieurs centaines de mille de vies humaines. Et, sans doute, Londres a reçu, comme Paris, de sinistres visites aériennes, mais c’est sur le sol de France qu’on s’est battu ; ce sont les Flandres, la Picardie, la Champagne, la Lorraine, qui ont été, pendant plus de