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— d’O’Meara. Il a trente-quatre ans ; depuis quinze ans, d’abord en qualité d’aide-chirurgien, puis comme chirurgien de la marine, il a battu les mers, et assisté aux actions de guerre dont les Anglais étaient, parait-il, le plus fiers. Passé, en 1817, sur le Conqueror, avec l’amiral Plampin, il est, depuis le mois de juin, en station devant Sainte-Hélène. Assez lié avec O’Meara pour que celui vînt le voir à bord du Conqueror, il s’est empressé de rendre la visite, sans doute par curiosité de voir l’Empereur. A la seconde rencontre, le 17 octobre, il était dans le jardin lorsque Napoléon, qu’accompagnaient M. et Mme de Montholon, sortit de la salle de billard. Il remarqua cet étranger, envoya Montholon demander qui il était, se le fit amener, lui dit quelques mots en anglais ; puis, apprenant qu’il parlait italien, il lui adressa, en cette langue, quelques-unes de ces questions passe-partout, brèves et banales, comme il en avait tant posées dans les bals ou dans les cercles. Le lendemain, Stokoë rendit compte à son chef, installé aux Briars, avec sa maîtresse, et il fut fortement réprimandé pour avoir violé la consigne. Comme il objecta qu’il eût manqué au général Buonaparte en ne se rendant pas à son invitation, l’amiral lui répondit : « qu’on n’avait pas à s’inquiéter d’être poli avec lui, qu’il avait déjà assez d’ennuis avec le gouverneur, pour ne pas vouloir en créer d’autres. » D’où ordre général interdisant aux officiers de la Marine de se laisser présenter au général Buonaparte sans une permission spéciale ; et tout ne finit pas là : Stokoë eut à subir les reproches d’Hudson Lowe pour n’être pas venu tout aussitôt lui rendre compte, et avoir préféré son chef hiérarchique.

Dès lors, Stokoë fut noté par Lowe, comme suspect.

Une année s’écoula sans que son nom eût été prononcé. Lowe n’avait pas encore reçu de lord Bathurst l’autorisation de renvoyer O’Meara. Celui-ci, afin de combattre l’hépatite dont il considérait que Napoléon était attaqué, lui administrait, depuis le début de juin 1818, des préparations mercurielles, sous forme de « blue pills » et de pommades, etc., dont il attendait un soulagement. Au commencement de juillet, on dut interrompre ce traitement, l’Empereur se trouvant soudainement atteint d’un catarrhe violent qu’O’Meara attribua « à l’humidité de son appartement dont le plancher se trouvait au niveau de la terre, à même le sol. » O’Meara, qui avait appris à être circonspect, voulut, par une consultation, mettre sa responsabilité