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Dupont, le valet de chambre de confiance qui accompagne ses enfants, des doléances plus perfides encore, aussitôt communiquées à Versailles. Elle réussit même à faire craindre au Roi que l’ambassadeur ne se soit engagé pour vingt millions.

Le 1er avril 1697, l’abbé de Châteauneuf, si connu alors à cause de son amitié pour Ninon, et dont on se souvient aujourd’hui, parce qu’il a été le parrain de Voltaire, arrive sur le territoire de la République. Il apporte des lettres de change qui vont élever à huit cent mille livres le total des sommes déjà expédiées de France. Il vient demander le compte de tout ce qui a été dépensé ou promis, démentir une partie des promesses de Polignac, tout en maintenant la candidature du prince de Conti, s’il reste quelque chance de succès. Un mois s’est à peine écoulé, et Louis XIV a deux quémandeurs au lieu d’un. C’est d’accord avec Châteauneuf que Polignac essaye d’acheter l’évêque de Cujavie, Stanislas Dombski, en « faisant marché avec son théologien à deux mille écus comptant, huit mille le jour de l’élection et dix mille ensuite, » marché bientôt résilié par l’évêque en une lettre généreuse qui « cache peut-être quelque dépit, contre une somme aussi modique, » et incite les diplomates à se montrer moins parcimonieux. Il leur faut maintenant, outre les huit cent mille livres destinées aux particuliers, deux cent mille écus pour les faux frais, en espèces et avant le 25 mai, dix jours après l’ouverture de la diète préparatoire. Quant à l’élection, elle se fera non par les députés de la noblesse, mais par la pospolite, c’est-à-dire par la noblesse elle-même tout entière assemblée dans la plaine de Varsovie.

Polignac et Châteauneuf comptaient sur l’armée pour soutenir le roi légitime et réduire les rebelles en attendant son arrivée. « Le roi légitime, pensaient-ils, sera celui qui la payera le premier. » Ce devait être aussi celui qui serait présent. Le prince de Conti reçut donc bientôt une lettre des deux abbés, qui le suppliait de se mettre en route pour venir prendre possession de son royaume dès qu’il serait élu. Un candidat malheureux pouvait en effet soulever ses partisans, marcher sur Cracovie, y être couronné. Au contraire, si le prince de Conti se tenait en vue des côtes de Prusse, sur une flotte commandée par Jean Bart, nul doute que l’élection ne fût unanime. « Il faut, concluaient Polignac et Châteauneuf, que Votre Altesse hasarde pour conquérir une couronne. »