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six cents écus, qu’il en avait reçu trois cents de la Reine pour forcer, par son départ, la diète à se séparer. Il n’y a pas lieu de raconter ici les longues négociations de Polignac. Nous ne citerons pas les interminables dépêches qui arrivaient à Versailles un mois environ après qu’elles avaient quitté Varsovie. On y voit l’abbé endoctrinant les seigneurs polonais, épuisant, à les acheter, l’or de son maître, s’en faisant prêter, s’il n’en a plus, par les gens qui sont à sa solde ; un jour qu’il veut offrir des pendants d’oreilles à la grande trésorière Lubomirska, empruntant plusieurs milliers d’écus au grand trésorier Lubomirski, concluant d’onéreux traités ; et, parce que la coutume des rois de Pologne est de ne pas tenir les engagements pris avant l’élection, acceptant l’inacceptable. Conti est épouvanté, déjà il a vendu deux terres pour expédier six cent mille livres à Dantzick. Louis XIV est encore bien plus mécontent ; car, en cas de succès, il remboursera la somme au prince, et il se trouve engagé malgré lui à verser près de six millions de livres ; et, par chaque ordinaire, il est instruit d’une nouvelle dépense sans jamais en connaître le détail. Si l’on ne peut obtenir l’élection aux conditions qu’il a permis d’accorder, huit cent mille livres dont six cent mille sont en Pologne, cent mille livres de pensions et trois millions pour l’armée, l’ambassadeur de France devra favoriser un autre candidat, le prince Alexandre, qui serait aidé sans doute par la reine sa mère.

Le prince Alexandre et son frère le prince Constantin sont alors à Paris, avec leur suite, un gouverneur, un valet de chambre de confiance, le sieur Dupont, le comte de Denhoff, colonel des gardes, quelques gentilshommes polonais et huit domestiques. Le sieur Dupont apporte une somme de trois cent mille ducats, dont une partie est déposée à la Monnaie et l’autre placée « sur le revenu des postes aliéné au denier douze, » pour avoir cent cinquante mille livres de rente. » C’est Polignac qui a conseillé à la reine de Pologne d’envoyer si loin cet énorme capital. L’ingénieux abbé insinue à Louis XIV que l’on pourra au besoin l’employer contre elle. Sa pensée suit les Sobieski à Paris et à Versailles. Il tremble qu’on ne leur témoigne trop d’empressement en public, car Marie-Casimire veut laisser croire aux Polonais que son fils Alexandre va faire, à la cour du Grand Roi, quelque « mariage d’importance, » et revenir ensuite à Varsovie « briguer la couronne. »