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« J’ai l’honneur de vous donner l’assurance, malheureusement trop positive, que, même au râle de la mort, il ne recevra d’aide, ne prendra de remèdes que de son propre médecin, le docteur O’Meara, et, si on l’en prive, il n’en recevra de personne, et se tiendra assassiné par vous. » Cela est grave : si l’Empereur, fidèle à sa parole, meurt sans avoir reçu les secours d’un médecin, quelle responsabilité pour le gouverneur ! Lowe sent que les commissaires étrangers le désapprouvent ; sur les insinuations de Montholon, lui dénonçant le grand-maréchal comme affermissant l’Empereur dans sa résistance, il écrit au ministre pour demander l’autorisation d’écarter Bertrand ; mais il n’en est pas moins inquiet, et, à la fin, le 4 septembre, il écrit au ministre : « que si Buonaparte n’a pas encore consenti à recevoir Verling, il a de fortes raisons de supposer que cela ne vient d’aucune objection à consulter un autre médecin qu’O’Meara, mais qu’il n’a sans doute besoin pour le moment d’aucune assistance médicale. »

Pourtant, il sait que l’Empereur ne sort pas de la maison : « la réclusion de Napoléon est si complète, dit Montholon à Verling, que, depuis six mois, il défiait Sir Hudson Lowe de jurer sur l’Evangile que ce dernier était encore à Sainte-Hélène. » Verling donnait ses soins à Mme Bertrand et à Montholon : par là, il obtenait des confidences, et c’était la seule façon qu’il eût d’être renseigné et de renseigner Lowe. Montholon (29 juillet) lui « dit que Bonaparte allait mieux, qu’il en avait l’air, tout au moins, ce qu’il attribuait à ce qu’il avait abandonné le mercure, qui lui avait occasionné beaucoup d’inconvénients, bien que ce médicament ait pu lui faire du bien pour sa maladie de foie. » Il constatait chez l’Empereur une constipation opiniâtre ; et sur la demande de Marchand, Verling priait Hudson Lowe « de faire envoyer d’Angleterre deux appareils à clystère, en argent, faits sur un modèle en plomb, » que remettait le valet de chambre. Ce n’était là qu’un indice, mais ces indices que recueillait Verling, et qu’il faisait aussitôt passer au gouverneur, fournissaient des renseignements plus authentiques même que les rapports d’O’Meara. A la vérité, on pouvait ne pas prendre à la lettre les déclarations de Montholon (20 août) que « Napoléon était toujours souffrant et qu’il ne dormait pas. » Mais Mme Bertrand annonçait, le même jour, que « Napoléon avait été la nuit dernière moins bien que