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délaissé que tout y fondait, » mais fort commode avec ses chaises volantes, analogues à celles de Versailles et de Chantilly, ancêtres de nos modernes ascenseurs ; du palais Lubomirski, appelé Jesdoua, situé à une portée de canon de la ville, célèbre par les bains de ses jardins, sa galerie de tableaux, et du palais Morstain, « le plus superbe de tous. » Il n’y avait pas là de quoi éblouir le prince de Conti, qui estimait peut-être, comme Spanheim, l’envoyé de Brandebourg, que « cette couronne était au-dessous de lui. » Enfin, si l’on en croit Saint-Simon, la perspective de vivre à des quatre cents lieues de sa belle-sœur Madame la Duchesse donnait à penser au roi éventuel de Pologne que sa royauté serait un cruel exil.

Fille du Roi et de Mme de Montespan, la Duchesse de Bourbon tenait de sa mère « une figure formée par les plus tendres amours, » « un esprit fin, amusant, badin » et la verve la plus caustique. « M. le prince de Conti, raconte Mme de Caylus, ouvrit les yeux sur les charmes de Madame la Duchesse à force de s’entendre dire de ne la pas regarder : il l’aima passionnément, et, si, de son côté, elle a aimé quelqu’un, c’est assurément lui... Cette affaire a été menée avec une sagesse et une conduite si admirables qu’ils n’ont jamais pu donner aucune prise sur eux, si bien que Madame la Princesse (mère de Monsieur le Duc) fut réduite à convenir qu’elle ne soupçonnait cette galanterie, que parce que M. le prince de Conti et elle paraissaient faits l’un pour l’autre. » Et malgré tout cela, cet homme, si amoureux de sa belle-sœur, témoignait à sa femme infiniment de considération, de confiance et même de tendresse.

Le diplomate qui, en sa qualité d’ambassadeur de France, allait être chargé de soutenir la candidature du prince de Conti, était un cadet de très grande maison, l’abbé de Polignac, plus tard cardinal, si connu des lettrés pour son poème latin de l’Anti-Lucrèce, alors âgé de trente-cinq ans, et, depuis 1693, accrédité à Varsovie.

Nul n’était mieux choisi pour préparer les voies au prince de Conti. Il possédait l’art de persuader, il avait les grâces, le savoir, « le débit le plus agréable, » la voix touchante, « une éloquence mâle ; douce, insinuante, des termes justes, des tours charmants. » Partout où il avait passé, il avait su plaire. On a souvent cité le mot de Louis XIV : « Je viens d’entendre un jeune homme qui m’a toujours contredit, sans que j’aie pu me