Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/676

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en 1689, il est en 1695 lieutenant général. La guerre va toucher à sa fin. Il n’est pas probable qu’il parvienne jamais, sous le règne de Louis XIV, au commandement des armées. Mais la Fortune va faire briller encore à ses yeux, presque à portée de sa main, des richesses, une belle principauté souveraine, une couronne royale. Heureux s’il peut les atteindre !


LE ROI DE POLOGNE

A la mort du roi de Pologne Jean Sobieski, arrivée le 17 juin 1696, les seigneurs qui formaient, dans la République polonaise, le parti français eurent l’idée de faire nommer par la diète future le prince de Conti. Sobieski l’avait demandé jadis pour roi, avec Turenne comme tuteur, en 1672, du temps où il ne songeait pas à la couronne pour lui-même ; mais alors on connaissait fort peu le prince de Conti qui n’avait que huit ans. Au contraire, en 1696, le prince de Conti était dans sa trente-troisième année, et sa qualité maîtresse était bien précieuse pour un candidat. On pouvait espérer que chaque noble de Pologne serait du même avis que Mme de Caylus : « Jamais, je ne dis pas un prince, mais aucun homme n’a eu au même degré que lui le talent de plaire. »

Tandis que les Polonais le désiraient, et que Louis XIV, dans les instructions qu’il adressait à son ambassadeur en Pologne le 26 juillet 1696, le rangeait au nombre de ses candidats, le prince de Conti était en Flandre sous les ordres du maréchal de Villeroy, occupé à des marches, à des fourrages, à de petits combats, dont le récit serait fastidieux. Le 31 août, comme les autres princes du sang, il était rappelé à la cour, et, dès le début de septembre, Louis XIV lui parlait de ses projets.

L’élection du prince de Conti au trône de Pologne n’était pas un avantage que la France pût dédaigner. « Lorsqu’il est question de millions d’or pour la Pologne, je vendrais tout mon bien, j’engagerais ma femme et mes enfants, et j’irais à pied toute ma vie pour y fournir, s’il était nécessaire. » Colbert, qui écrivait cette phrase, en 1666, voyait clairement quel précieux allié serait pour la France un Etat capable de lui rendre, à l’Est de l’Europe, les mêmes services que la Turquie, toujours prêt à prendre l’Empire d’Allemagne à revers en cas de conflit avec l’Empereur. Le rôle joué par le Tsar à la fin du