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voyage, était venue d’Ajaccio pour prendre les eaux de Vichy, et, diverses fois, durant sa vie, elle y était revenue. Mais la folie des eaux minérales qui sévissait alors, sans qu’on eût éclairci, même empiriquement, les affections qu’elles pouvaient soulager, expliquait peut-être les cures de Madame. Pourtant, il y avait là une succession plausible, et l’on pouvait penser que ce germe héréditaire avait pris, dans ce climat, un développement redoutable. Toutefois, pouvait-on rendre la maladie de foie comptable d’accidents dont nul médecin ne soupçonnait la gravité, et dont, après un siècle, un médecin est incapable encore de déterminer le principe et de prévoir le développement ?

O’Meara, avant de partir, avait réglé pour l’Empereur une sorte de traitement qui devait continuer celui qu’il avait mis en train ; mais à un tel simulacre de cure il fallait, pour le faire accepter par le patient, — et un patient tel que l’Empereur, — la présence réelle et continue du praticien traitant. Le médecin disparu, la foi qu’on avait pu avoir en ses prescriptions, disparaissait. Il eût été étrange qu’il en eût été autrement avec l’Empereur, qui poussait au dernier degré son incrédulité à la médecine.


II. — LE Dr VERLING

Le 25 juillet, le jour même où O’Meara devait être éloigné de Longwood, Hudson Lowe donnait l’ordre à M. Verling, aide-chirurgien de l’artillerie royale, « de s’y installer pour y rendre les services de sa profession à Napoléon et aux autres habitants. » Il n’avait certainement ni demandé, ni obtenu l’agrément de l’Empereur ; il n’avait même pas pris la peine d’annoncer par une lettre l’envoi de ce nouveau chirurgien. Sitôt arrivé, Verling, selon les ordres du gouverneur, vint trouver O’Meara et lui demanda communication de son journal médical, « le seul document, écrivait-il à Hudson Lowe, d’après lequel ou pût se faire une idée juste et exacte de la constitution de Buonaparte, de la nature de la maladie, et de la bonté du mode de traitement adopté jusqu’alors. » O’Meara avait refusé de communiquer le journal, ou d’en donner une copie ; il avait clos tout débat en déclarant que le journal n’était plus entre ses mains, et qu’en tout cas, il n’eût permis qu’on en prît connaissance que sup l’autorisation formelle donnée par l’Empereur.

D’autre part, l’Empereur a fait écrire à Lowe par Montholon :