Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/665

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait su vaincre alors qu’il paraissait devoir être vaincu, on répéta dans Paris cette épigramme :


D’une manière triomphale,
Comme César vint de Pharsale,
Luxembourg doit venir ici ;
Mais on nous écrit de l’armée
Que, sans Vendôme et sans Conti,
Il revenait comme Pompée.


Le 10 mai 1693, Louis XIV proposa aux princes du sang d’être de l’ordre de Saint-Louis qu’il venait d’instituer. Conti, devant l’hésitation des autres, répondit au nom de tous. « Il n’y avait personne, affirma-t-il, qui ne se tînt honoré d’être d’un ordre dont le Roi voulait bien être lui-même. » Conti n’avait pas les dix ans de service requis par les statuts. Mais le soldat de Steinkerque était digne de la croix sur le revers de laquelle se lisait, autour de l’épée nue et de la couronne, Bell, virtutis prœm.


Quinze jours ne se sont pas écoulés, et le prince est au Quesnoy, car la campagne de 1693 va commencer.

Le 1er juin, il part avec Luxembourg, rejoint l’armée à Felluy, et la princesse de Conti pleure toute la matinée. Elle se met à table avec le Roi, elle pleure toujours. Les gens les plus insensibles s’attendrissent, et le Roi est obligé de la faire sortir. La princesse a vraiment le don des larmes.

Laissant les dames au Quesnoy, Louis XIV se rend au camp de Thieusies. Avec son armée et celle de Luxembourg, distantes l’une de l’autre d’une demi-lieue, cent dix mille hommes auxquels Guillaume ne peut en opposer que soixante-quinze mille, c’est chose facile de contenir le stathouder et de prendre Liège. On marchera ensuite sur l’armée de Guillaume et on l’anéantira. Le matin du 8 juin 1693, toutes les troupes réunies au camp de Gembloux près de Namur, et ce qui est plus important, tous les généraux considèrent le résultat comme infaillible.

Le lendemain, le duc de Saint-Simon, alors capitaine au Royal-Roussillon-Cavalerie, allait seul à l’ordre chez le maréchal de Luxembourg ; il fut « très surpris de n’y trouver pas une âme. » « Tout était à l’armée du Roi, raconte-t-il dans ses Mémoires. Pensif et arrêté sur mon cheval, je ruminais sur un