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Les fuyards l’entendent s’écrier : « Messieurs, je vous crois trop braves pour m’abandonner, car je vous jure que je ne ferai point un pas en arrière ; » ils regardent marcher seul à l’ennemi ce neveu du grand Condé en qui semble combattre, — toute l’armée le redit le soir même, — l’âme du vainqueur de Fribourg ; ils s’arrêtent et se rallient.

Mais la brigade amenée par Conti est décimée à son tour, et le prince revient sur la division Mackay à la tête de la Maison du Roi. Malgré le tir rapide des fusils anglais, contre lequel ne saurait lutter le tir plus lent de nos mousquets, la Maison du Roi marche, l’arme sur l’épaule. Pas un coup de feu ; tout le long de la ligne, un seul cri : « . Ne tirez pas ! Ne tirez pas ! L’épée à la main ! » Dans cette charge héroïque, le cheval de Conti se cabre et tombe, frappé d’une balle qui devait atteindre le cavalier en pleine poitrine. C’est le second cheval tué sous lui depuis le commencement de la bataille : « Décidément ils en veulent à mon écurie, » dit le prince.

Attaqués à l’arme blanche par la Maison du Roi, les Anglais, dont les fusils sont inutiles pour le corps a corps, et qui se servent mal de la pique et de l’épée, sont perdus. Ils se font tuer sur place. Les cinq régiments de la division Mackay sont massacrés ; le vieux Mackay lui-même tombe et meurt en disant : « Que la volonté de Dieu s’accomplisse ! » Les canons français repris, dix autres pièces conquises, l’infanterie ennemie délogée de la hauteur qu’elle occupait, tel est le glorieux ouvrage de la Maison du Roi

Plus loin, sur la droite, la vigilance et la bravoure du prince de Conti ne sont pas moins efficaces. Grâce à lui, le régiment de Provence débusque des bataillons qui « se sont coulés » sur le flanc de notre ligne et que contenaient les dragons du chevalier de Gassion. Les fantassins ennemis, s’abritant derrière toutes les haies, reculent jusqu’à la plaine, où la cavalerie alliée assiste impuissante à leur échec. Le prince de Conti, les deux Vendôme, le Duc de Bourbon ordonnent à la brigade de Zurlauben de mettre l’épée à la main, la mènent eux-mêmes à l’assaut d’un petit bois, en chassent les défenseurs. Ils disposent leurs troupes derrière les haies bordant la plaine.

On comprend que Luxembourg ait mis dans son rapport au Roi : « M. le prince de Conti, dont la capacité égale le courage et fait qu’il a l’œil à tout ce qui se passe ; » et les paroles de