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et le prince de Conti deviendra le « brillant second » du maréchal de Luxembourg.


Il est fort possible que, durant l’hiver 1692, Luxembourg ait parlé en faveur de Conti. « Outre l’amitié, explique Saint-Simon, ce prince ménageait fort ce maréchal, pour en être instruit et vanté, dans l’espérance d’arriver au commandement des armées, et la débauche avait achevé de les unir étroitement. » Le 3 mai 1692, il a été nommé lieutenant général.

La campagne débuta par un coup d’éclat, la prise de Namur investie par quarante mille hommes que commandait Louis XIV. En même temps, une armée deux fois plus nombreuse, confiée au maréchal de Luxembourg protégeait les assiégeants, dans le cas où le prince d’Orange, stathouder de Hollande et roi d’Angleterre, qui s’était joint à la coalition, eût tenté de venir au secours des assiégés. Conti était dans l’armée de Luxembourg, mais c’est seulement trois mois plus tard qu’il devait acquérir une gloire inséparable de celle de son chef.

La sécurité des habitants de Namur était complète, car personne, en Europe, n’avait éventé les projets du Roi. Namur, « le plus fort rempart, non seulement du Brabant, mais encore du pays de Liège, des Provinces-Unies et d’une partie de la basse Allemagne, » fière de sa situation au confluent de la Sambre et de la Meuse, de ses murailles, de ses tours, de « son château escarpé, » de son passé de ville jamais violée, se croyait imprenable. Déjà Louis XIV approchait, et c’est pour Bruxelles que les Alliés craignaient un bombardement.

Louis XIV s’arrêta au château de Chantilly le 10 mai. Il en repartit le 12, suivi des dames. Mme de Maintenon était en calèche avec Mme de Mailly. Le Roi avait dans son carrosse le Dauphin, le Duc d’Orléans, la Duchesse de Chartres et les deux princesses de Conti.

Les dames demeurèrent à Mons, et le Roi alla camper non loin de la ville, à Givry. Le 20, elles quittèrent Mons vers dix heures du matin et assistèrent à la revue des troupes. Une longue lettre de Racine à Boileau, citée par le marquis de Ségur dans son beau livre sur le maréchal de Luxembourg, nous en a conservé l’amusant récit. Le poète est aussi étonné de l’immensité des armées de son temps que nous le sommes de celle des nôtres.