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Corvin-Klein, Arpad Kohn-Kérèkès, et quelques autres personnages de moins grande envergure qui n’avaient pas été admis dans le train spécial de Bela Kun, payèrent pour les princes d’Israël qui s’étaient enfuis à Vienne. On les jugea. Ils furent pendus.

Avec une inconscience animale, le chef des troupes terroristes, l’ouvrier en cuir Cserny, se promena paisiblement quelques jours encore à Budapest. Puis soudain, pris de peur, il gagna la campagne. Pendant une semaine, il erra comme une bête traquée dans la forêt de Bakony, où les gendarmes l’arrêtèrent. On le pendit, lui aussi.

Quant à Tibor Szamuely, la nouvelle de la débâcle soviétique vint le surprendre dans la petite ville de Györ, en pleine séance de nuit du tribunal révolutionnaire. Il venait de condamner à mort trois pauvres diables d’ouvriers. Levant aussitôt la séance et laissant là ses condamnés (que personne après son départ n’osa exécuter), il regagna la capitale. Pourquoi, le lendemain, ne prit-il pas sa place dans le train spécial de Bela Kun ? Il jugea sans doute plus prudent de s’enfuir en auto. Mais à la frontière autrichienne, des douaniers l’arrêtèrent. Tirant alors un mouchoir de sa poche, il fit semblant de s’éponger le front et se brûla la cervelle avec un petit revolver dissimulé sous la batiste. La Communauté Israélite du lieu refusa de recevoir son cadavre dans le cimetière. On l’enfouit à l’écart, et sur la pierre, comme épitaphe, on écrivit au crayon bleu : « Ici a crevé un chien. »


IV. — UN DIALOGUE SANS FIN

Dans la cathédrale de Grenade, où reposent les restes mortels d’Isabelle la Catholique, un curieux panneau de bois peint représente des Maures, coiffés de hauts turbans et vêtus de la gandourah, qui se pressent autour d’une cuve pour recevoir l’eau baptismale, et assurer par là leur salut dans l’autre monde et surtout dans celui-ci... C’est quelque chose d’assez pareil, qu’aux derniers jours du bolchévisme on put voir à Budapest. Jamais depuis les temps lointains où le roi saint Etienne christianisait en masse ses compagnons barbares, il n’y eut autant de conversions en Hongrie. Épouvantés à l’idée des excès qui allaient suivre inévitablement l’échec de l’expérience judéo-bolchéviste,