Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dit comme ils sont rédigés ; ce sont des faux que Lowe a inspirés, et qu’il authentique devant l’Europe. Lowe se tient rassuré par là ; s’il rend O’Meara responsable de la découverte, ce n’est pas qu’il veuille s’en couvrir. A présent qu’il n’est plus inquiet de la santé de l’Empereur, et qu’il émet à son gré, sur le témoignage de Baxter, des bulletins où il affirme qu’elle est florissante, il n’a plus aucun besoin d’O’Meara, et il entend en finir avec lui.

Et l’occasion se présente. Le maître d’hôtel de l’Empereur, Franceschi, qu’on appelle à Sainte-Hélène Cipriani, car Hudson Lowe l’a connu sous le premier nom à Capri, au moment où Saliceti l’employait à espionner les Anglais, est mort. A défaut de prêtre catholique, il a été conduit au cimetière par deux ministres protestants. L’Empereur a chargé O’Meara de remettre à chacun d’eux une tabatière d’argent. Lowe l’apprend. Un autre y verrait une légèreté, une violation du règlement, rien de grave ; il en fait une affaire, et le 10 avril, il fait signifier à O’Meara défense expresse de sortir de Longwood sans une autorisation spéciale.

Sur quoi, O’Meara déclare qu’il cesse ses fonctions, et il demande son rapatriement. Officier de la marine, il se plaint officiellement à l’amiral commandant la station ; mais cet amiral, Robert Plampin, n’a garde d’entrer en lutte avec le gouverneur ; il a amené d’Angleterre à Sainte-Hélène une fille avec laquelle il vit, et la complicité de Lowe lui est nécessaire.

Reste Longwood. Après une vive attaque dans une entrevue avec un agent subalterne dont Lowe a fait la fortune, le grand-maréchal écrit au gouverneur que jamais l’Empereur ne recevra le docteur Baxter, qu’on travaille depuis deux ans à lui imposer ; que si le gouverneur ôte O’Meara, sans le remplacer par un médecin français ou italien déjà connu, il obligera « ce Prince » à mourir privé de tout secours. Il y est résolu, écrit Bertrand. Son agonie en sera plus douloureuse, mais les peines du corps sont passagères, tandis que l’opprobre qu’une conduite aussi féroce imprimera sur le caractère de votre nation sera éternel. » Devant cette protestation qu’accompagne une lettre, en date du 13, par laquelle Bertrand réclame de Fesch l’envoi d’un médecin et d’un prêtre ; devant l’état de santé de l’Empereur qui, le 18 et le 24 avril, subit des crises d’autant plus graves qu’il est privé de tout secours ; devant la terrible lettre