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large feutre empanaché, galonné d’or, doublé de soie incarnadine ou couleur d’aurore. M. Henri de Régnier a un goût vif, une sorte de vénération pour la perruque. Celle qu’il admire et célèbre, ce ne peut être que la glorieuse perruque louis-quatorzienne, et non le misérable petit catogan, qui fut de mode sous le règne du Bien-Aimé. Il la veut ample et monumentale, frisée, annelée et toisonnante, chaude et douillette, capable d’abriter en ses flancs une poule couveuse avec sa nichée de poussins : (voir La Double maîtresse). Et, de même, il lui faut, pour embellir les perspectives de ses jardins, les palais et les colonnades du grand siècle, les architectures, les statues, les jets d’eaux et les cascades, les ordonnances végétales selon le grand style de Le Nôtre et de Mansart. Sa beauté, c’est celle de la statuaire et de la peinture d’alors, au visage enflammé d’incarnat et encore avivé par le fard, aux jambes nues sous le cothurne strictement lacé, la taille prise dans une cuirasse de parade toute bosselée de figures en relief, les lourdes lanières de cuir battant contre la cuisse, le casque en tête sous un bouquet de plumes héroïques, avec un air de gloire et de magnificence et des yeux ardents de désir... Une fête nocturne dans des bosquets embrasés, parmi des vasques ruisselantes, des ifs lumineux et des trophées, telle est l’impression que laissent certains passages de ses poèmes ou de ses romans. Cet écrivain moderne a un sens singulier de la grandeur, — le même que les artistes décorateurs du XVIIe siècle, à qui ne messied point même une certaine emphase.

Et ainsi, — qu’on me permette de le dire en passant, — personne n’aura plus contribué que M. Henri de Régnier, — si ce n’est M. Pierre de Nolhac, ou M. Alphonse Bertrand, dans leurs savantes publications sur Versailles, — à ramener le public vers cette grande beauté si française du Grand Siècle. Autant qu’ils l’ont pu, ils auront sauvé, pour quelque temps encore, cette merveille unique, que composent les palais et les jardins du Roi-Soleil. Je ne leur reprocherai qu’une chose, c’est d’avoir été peut-être encore trop timides dans leur admiration, d’avoir encore trop respecté ou ménagé le goût bourgeois d’aujourd’hui pour l’art Pompadour et Marie-Antoinette. Comment oser préférer le Petit Trianon à l’élégant et magnifique chef-d’œuvre de marbre rose qu’est le Trianon de Mansart ? Y a-t-il au monde rien de plus beau que la façade du Palais vu du