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due aux modalités de la lumière, du milieu et des reflets. De là, suivait une facture très singulière : tout était peint de la même manière inconsistante et papillotante, une locomotive comme un nuage, une maison comme une vague, un visage comme un écheveau de laines diverses, dans un flottement de duvets multicolores. Aucun objet n’avait plus sa forme définie, ni son épaisseur, ni rien qui fit sentir son poids ou sa densité.

Pour les leur rendre, il eût suffi de peindre comme les maîtres. Mais c’était bien trop simple pour plaire aux gens férus d’une idée de réforme. Et puis, les esprits dominés par l’idée que l’Art pst fait d’outrances en toutes les directions n’auraient pas cru remédier aux défauts de l’Impressionnisme sans afficher l’exagération contraire. Ils ont donc mis des tas de pavés à la place des flocons multicolores de jadis et supprimé toutes les joies de la couleur. De plus, la crainte de ne pas paraître assez avancés est telle de nos jours que si forcé par la nécessité on opère une évolution en arrière, c’est-à-dire si l’on revient à des nécessités un instant méconnues, on s’évertue à trouver pour masquer cette reculade des mots nouveaux. Les principes de l’Ecole des beaux-arts longtemps méprisés comme des conventions ou des routines se glissent subrepticement dans les ateliers sous le camouflage des formules. Ce qu’on appelait autrefois la ligne on l’appelle l’ « arabesque ; » la construction et la composition équilibrée réapparaissent sous le nom de « volumes ; » les « synthèses » de couleurs servent à masquer le retour du ton local ou de la « localité, » enfin les termes généraux de tradition et de race remplacent celui d’école qui avait cour, autrefois. Mais dégagée des amphigourismes de l’Esthétique c’est, en principe, du moins, la même chose. Et cette chose est diamétralement l’opposé de l’Impressionnisme.

Quelques-uns en conviennent. Toutefois, comme l’Impressionnisme a été trop combattu par les « bourgeois » et l’Institut pour qu’on avoue ses erreurs ou ses insuffisances, on cherche à s’y rattacher par quelque bout et l’on invoque, comme inspirateur des tendances actuelles, Cézanne. Mais précisément Cézanne ne pratiquait nullement la technique impressionniste. Il en pratiquait même une tout opposée. Bien loin de diviser les tons à l’infini et d’obtenir un papillotement coloré, à la façon de Monet, Sisley ou Pissarro, il massait les teintes diverses et les fondait en une seule, expressive de