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écoles primaires des provinces retrouvées. C’est même dans les écoles congréganistes qu’on l’enseigne le mieux et avec les meilleurs résultats. La confessionnalité n’a donc rien à voir dans ce débat, d’ordre plutôt politique. Tant pis pour ceux qui, d’un côté comme de l’autre, essayent d’y mêler la religion !

L’erreur dont tentent de bénéficier les défenseurs de la langue allemande repose sur une équivoque. Il y a en Alsace une population adulte qui n’a passé que par l’école prussienne. On ne saurait, de toute évidence, la priver de tout aliment intellectuel. L’usage de l’allemand continuera donc à s’imposer partiellement et dans les églises, et dans les publications officielles (paraissant en deux langues), et dans quelques journaux, et dans les réunions publiques.

Mais peut-on conclure de là que l’allemand doive rester la langue littéraire des générations nouvelles ? Faut-il que l’allemand continue à être considéré par les jeunes Alsaciens comme leur « langue maternelle, » uniquement parce que les anciens occupants du pays avaient proscrit le français de toutes les manifestations publiques de la pensée ? Ou bien n’est-il pas de notre devoir de fournir aux enfants d’Alsace l’instrument linguistique qui leur sera indispensable pour se créer des situations avantageuses dans leur Patrie retrouvée ? Poser ces questions, c’est y répondre.

L’agitation en faveur de la Muttersprache est purement artificielle. Inspirée aux uns par une simple paresse d’esprit, aux autres, peu nombreux, par des préjugés antinationaux, elle ne correspond nullement aux vœux de la population prise dans son ensemble. Je n’en donnerai d’autre preuve que la suivante. Pendant quarante-huit ans, les Allemands avaient donné la chasse aux enseignes et aux inscriptions françaises. Or, au lendemain de l’armistice, comme par un coup de baguette magique, toutes les enseignes allemandes disparurent dans les rues de nos villes et de nos villages. Point n’avait été besoin pour cela d’édicter des règlements de police, qui ne vinrent que bien plus tard. Le cœur y avait suffi.


E. WETTERLE.