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Là où les autorités scolaires viendraient à la constater, elles seraient inexcusables de ne pas sévir ; car aucun maître n’a le droit de nuire gravement aux élèves qui lui sont confiés.

L’incapacité, elle, ne comporte aucune faute individuelle et il est difficile, surtout quand il s’agit d’instituteurs âgés, de les frapper de dures sanctions, uniquement parce qu’ils ne peuvent plus, malgré tous leurs efforts, s’accommoder au régime nouveau. Les maîtres alsaciens ont reçu une formation exclusivement allemande. Depuis l’armistice, la plupart se sont appliqués, avec un zèle dont on ne saurait trop les louer, à l’étude de la langue qu’ils sont appelés dorénavant à enseigner. Des cours spéciaux ont été institués pour la leur faciliter. D’un autre côté, les instituteurs qui le désirent sont envoyés temporairement à l’intérieur pour s’y perfectionner dans l’art de la conversation. Encore n’y a-t-il pas lieu d’être surpris, si tous ne font pas des progrès égaux. C’est le propre des époques de transition de faire apparaître des difficultés, qui tiennent plus aux individus qu’aux principes. On peut donc regretter que l’introduction généralisée de la méthode directe soit parfois contrecarrée par l’impuissance de ceux qui sont chargés de l’appliquer. Cette carence de quelques maîtres ne saurait cependant être invoquée contre elle.

Il est en effet certain que, partout où maîtres et maîtresses parlent eux-mêmes convenablement le français et l’enseignent avec joie, les progrès des enfants sont surprenants. Les inspecteurs scolaires sont, par exemple, unanimes à reconnaître que, dans les nombreuses écoles dirigées par les sœurs de Ribeauvillé, les fillettes suivent avec fruit tous les cours professés exclusivement en français et qu’elles en viennent rapidement à s’entretenir dans cette langue même pendant leurs heures de récréation. J’ai visité moi-même des classes d’enfants de 7 à 8 ans, appartenant à des familles où le dialecte est seul en usage, et j’ai pu constater que, dans celles qui étaient tenues, tant par des institutrices laïques alsaciennes que par des maîtresses venues de l’intérieur et ignorant l’allemand, les enfants suivaient avec profit les leçons qui leur étaient données et répondaient d’une façon très satisfaisante en français aux questions qu’on leur posait sur les sujets les plus variés. La preuve est donc faite que la méthode directe a d’incontestables avantages, puisque, appliquée intelligemment dès les premières