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peindre, c’est un spectacle reposant que celui de cette école, la plus merveilleusement unie que l’on ait vue, celle qui compte peut-être le plus de talents divers, et qui sut cependant le mieux conserver dans l’ensemble ses caractères d’école, sans nuire à l’expression et au charme des individus. Il n’y a pas au monde de peinture plus indépendante ; il n’y en a pas qui, placée dans des conditions singulières, ait eu à résoudre des problèmes plus imprévus et su trouver à ces problèmes une solution plus décisive. Nulle, en un mot, n’a su mieux peindre en tournant le dos à toutes les traditions, ou ne les a connues, comme elle a fait, que pour s’en séparer et faire de l’inédit. A toutes les époques d’indiscipline et de malaise, l’exemple de ces novateurs si sûrs d’eux-mêmes est une chose édifiante ; on trouve chez eux la réponse la plus claire à la plupart de nos doutes et de nos inquiétudes. Et le succès de ces maîtres d’il y a trois cents ans est la démonstration de leur actualité.

Sans doute, c’est une leçon qu’il ne tiendrait qu’à nous d’entendre tous les jours au Louvre. Mais il y a des moments où les voix trop connues perdent un peu le pouvoir de se faire écouter, où il est bon de rafraîchir des connaissances familières, et c’est ce que faisait Fromentin lorsqu’il y a cinquante ans, il prenait le train pour compléter sa notion des Hollandais et aller voir chez eux les maîtres d’autrefois.

Aujourd’hui, ce sont eux qui nous rendent visite. Grâce à l’amicale bienveillance du gouvernement hollandais et à l’activité, jointe au goût, du ministre de Hollande, M. le jonkheer H. Loudon, a pu se constituer dans la salle du Jeu de Paume une réunion de peintures hollandaises telle qu’on ne reverra plus de longtemps la pareille. Par une faveur inouïe, les musées d’Amsterdam, de La Haye, de Rotterdam, le musée Mesdag, le musée de Glasgow, le musée de Lille, les collections les plus jalouses ont consenti à se dépouiller de leurs toiles les plus précieuses. Le duc d’Albe envoie de Madrid un sublime paysage de Rembrandt. Lord Iveagh, le comte de Crawford, Lady Wantage, M. G. Holford, les barons Edmond et Robert de Rothschild ont prêté quelques-unes des perles de leurs collections célèbres. Il en est venu de Londres, de Zurich, de New-York, de Paris. Et cela forme, en face du Louvre, un ensemble qui ne supporte pas mal ce redoutable voisinage.


Il est rare en effet de rencontrer un choix où, de cinquante tableaux, il y ait une proportion de trente ou quarante chefs-d’œuvre.