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Rousseau ou celle de son temps s’élève au chiffre respectable de quatre cent quatre-vingt-sept [1]. Si l’on songe que nombre de ces ouvrages ont plusieurs volumes, que beaucoup d’entre eux ont eu des éditions différentes, et qu’il a fallu compulser, on sera certainement amené à tripler ce chiffre. Si l’on joint à tout cela les documents ou recueils d’archives, les trente ou quarante volumes où, à Neuchâtel, à Genève, à Paris, on a conservé les manuscrits de Rousseau et les lettres de ses correspondants, on peut évaluer à dix-huit cents ou deux mille le nombre de volumes que Maurice Masson a non pas seulement feuilletés, mais lus, ce qui s’appelle lu, et souvent relus, pour composer son livre sur la Religion de J.-J. Rousseau. Son enquête, qui a duré une dizaine d’années, a été si consciencieuse et si complète que les « rousseauisants » les plus minutieusement informés n’ont pas, que je sache, signalé un seul texte de quelque importance qui lui ait vraiment échappé.

Il ne s’en est pas tenu là. Considérant avec raison que la Profession de foi du Vicaire savoyard « n’occupe pas seulement une place capitale dans la vie et l’œuvre de Rousseau, » mais qu’ « elle est aussi une manière de centre spirituel, où presque tous les systèmes philosophiques et religieux du XVIIIe siècle ont, en quelque sorte, leur écho, » il a entrepris d’en publier une édition critique. Il ne s’est pas contenté de retrouver, de déchiffrer et de replacer sous nos yeux, par une disposition ingénieuse, les quatre manuscrits successifs que nous en possédons, avec leurs corrections, leurs remaniements, leurs ratures, avec les variantes des éditions avouées ou préparées par Jean-Jacques ; il s’est efforcé, dans un commentaire « strictement historique, » de nous fournir tous les renseignements qui peuvent nous expliquer l’origine et la fructification des doctrines de l’écrivain, de nous indiquer les multiples sources auxquelles il a puisé, les textes précis qu’il confirme, contredit ou réfute. Travail considérable qui exigeait à la fois une extrême patience, une information très étendue et, si je puis dire, une remarquable agilité critique. Ainsi éclairée par le dedans et par

  1. D’après Ia Bibliographie méthodique que Maurice Masson a placée à la fin de son livre, et qui complète l’excellent inventaire que M. Gustave Lanson a dressé dans son précieux Manuel bibliographique de la littérature française : XVIIIe siècle (Paris, Hachette, 1911 ; nouvelle édition, 1921), lequel, à l’article Rousseau, comprend 430 numéros.