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treize ans et ne peut entrer à l’usine qu’à partir de treize ans. Si l’usine ne le prend qu’à quatorze, il faudra que l’école le garde jusqu’à cet âge. Que ferait-il dans l’intervalle ? — Mais si l’école primaire le garde jusqu’à quatorze ans, il ne peut plus être question pour lui d’enseignement secondaire.

Eh bien ! il ne faut pas que l’enseignement primaire garde jusqu’à quatorze ans ceux qui doivent faire d’autres études. Rien ne s’oppose à leur départ anticipé. Et le ministre ne s’est pas contredit, comme on pourrait le croire. Il a seulement secoué ce préjugé que l’enseignement primaire doit retenir jusqu’au bout ceux qu’on lui a une fois confiés. Un décret du 28 mars 1882 (mais un décret n’est pas intangible) semble être à l’origine de ce préjugé. Ce décret dispense de la suite de leur scolarité obligatoire les enfants qui ont subi avec succès le certificat d’études primaires, le C. E. P., dans le langage des initiales, ou, comme on dit encore, le baccalauréat primaire ; mais alors, de peur de scolarités écourtées, on a reculé l’âge de cet examen libérateur. Ainsi est née une solidarité factice entre l’obligation, l’examen et les études primaires elles-mêmes formant un bloc. Et dans tout ceci, — c’est le fait de la séparation excessive des différents ordres d’enseignement, — on ne s’est pas préoccupé de l’enseignement secondaire, on ne s’est même pas dit que, étant une prolongation de scolarité, il satisfaisait surabondamment à l’obligation. Et, comme l’enseignement secondaire ne peut attendre, les primaires arrivent à lui frappés d’un retard qui les suivra... J’entrevois plusieurs solutions, mais la plus simple est que la possession du C. E. P. ne dispense plus de l’obligation scolaire. On peut alors s’y présenter à l’âge qu’on voudra. Et j’imagine très bien une scolarité primaire affranchie du souci de l’examen, transition utile entre les études et l’apprentissage. C’est cette dernière solution qu’un projet de loi vient de faire sienne. Nous nous en félicitons, car nous avions abouti à cette conclusion avant que ce projet ait été déposé. Et nous avions eu des intentions du ministre un pressentiment qui s’est vérifié. Nous nous associons a fortiori au projet de conférer le C. E. P. à quiconque aurait subi avec succès l’examen des bourses de l’enseignement secondaire.

Mais il y a autre chose à modifier que des textes législatifs, ce sont les mœurs. Les instituteurs gardent leurs élèves le plus longtemps possible. Et ils gardent surtout les meilleurs.