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ceux d’établissements d’ordre plus élevé. Les cloisons au moins seraient abattues. Il n’y aurait plus que les degrés d’une échelle qui créent comme une invitation à passer de l’un à l’autre. Un même esprit soufflerait partout. Or cette unité d’esprit est l’unité essentielle. Si l’on n’hésitait devant une telle disproportion des effets et des causes, on pourrait dire que l’unification du personnel enseignant ferait faire un pas de plus à l’unité morale de la nation elle-même. L’Allemagne révolutionnaire, en s’engageant dans cette même voie, escompte les mêmes conséquences lointaines et heureuses.

N’y aurait-il que des conséquences heureuses ? Mettre au lycée le futur instituteur, n’est-ce pas l’exposer à la tentation d’autres carrières ? Ce métier veut une vocation, et il faut abriter, protéger ces vocations, comme les vocations religieuses auxquelles elles ne sont pas sans ressembler un peu. Remarquons que l’abus qui peut être fait de cette protection dépend de l’âge sur lequel elle s’exerce et que, à commencer trop tôt, elle prendrait des airs de confiscation des volontés et des intelligences. Mais ce n’est pas le cas pour nos écoles normales. Mettre le futur instituteur au lycée, même s’il ne s’y laisse pas détourner du métier choisi, n’est-ce pas donner à son esprit une formation qui n’est pas en harmonie avec ce métier, lui préparer des désillusions et des difficultés d’adaptation ? L’esprit primaire, dont nous avons dit du mal, a ceci de bon qu’il se résume, au contraire, dans cette adaptation même, et son dogmatisme n’est que la rançon de la sincérité et de la conviction qui l’animent. Quand on a connu certaines écoles normales particulièrement bien dirigées, où le souci de l’éducation à recevoir, puis à donner, où le sentiment élevé de la fonction à laquelle on se prépare créent une âme commune, où la conscience professionnelle, que tout tend à leur inculquer, inspire à de jeunes hommes une gravité précoce, en même temps que la pensée de l’enfance sans cesse évoquée maintient autour d’eux un cadre de fraîcheur et d’ingénuité, asiles de paix et de travail, avec les horizons d’une limitation acceptée qu’ils offrent aux ambitions de ceux qui y pénètrent, on ne verrait pas, sans un serrement de cœur, disparaître ces maisons et se dissiper l’atmosphère, fùt-elle un peu confinée, qu’on y respire. Les écoles normales ont d’ailleurs la vie dure. Car non seulement la reconnaissance des générations successives de leurs élèves entretient l’idée d’où elles sont nées,