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l’Instruction publique, et qui consiste dans une phobie, commune à tous les bureaux, de tout contact avec les bureaux voisins, dans l’ambition conçue par chacun d’eux de se constituer une province à soi, qui devienne comme une souveraineté ? Cette fois les bureaux de l’enseignement primaire ont d’ailleurs, et nous les dirons, de bonnes raisons à faire valoir. Donc les instituteurs et les institutrices sortiront d’écoles normales primaires. Et les professeurs de ces écoles normales sortiront d’établissements primaires encore, quoique supérieurs, les écoles de Saint-Cloud et de Fontenay, et seront munis de grades spéciaux, primaires toujours. Que si ces écoles n’arrivent pas à fournir le personnel suffisant, on empruntera à nos Facultés quelques-uns des licenciés qu’elles forment. Mais ce sera faute de mieux, et on le leur fera sentir. Quant aux Facultés, bonnes filles, elles ont vu ainsi l’enseignement primaire leur créer des concurrences, comme si ce n’était pas assez de celles que d’autres ministères ont depuis longtemps instituées, conflit déjà séculaire de l’unité et de la science et de la diversité des carrières. — Et on fit ainsi tout ce qu’il fallait pour faire naître et cultiver ce qu’on a appelé l’esprit primaire. Le savoir primaire est limité, cela va sans dire, comme l’est tout savoir humain. Mais, de plus, il n’a pas conscience de ces limites, parce qu’on lui a trop épargné la vision des problèmes, et l’angoisse féconde de cette opération laborieuse qu’est, la recherche de la vérité. De là un dogmatisme qui ne vient pas du tempérament, mais de l’instruction reçue.

On conçoit évidemment un autre régime : de même que l’enseignement secondaire est vivifié par un contact permanent avec l’enseignement supérieur qui forme ses maîtres, l’enseignement primaire ne pourrait-il recruter ses maîtres à lui parmi les élèves des lycées, de telle sorte que la chaîne ne soit pas rompue qui relie les différents ordres d’enseignement, et que quelque chose arrive jusqu’aux plus humbles écoles de l’esprit qui anime le chercheur et le savant véritable ? Un institut pédagogique, venant après le lycée, ajouterait à la formation intellectuelle la formation professionnelle. Et l’instituteur, dont l’éducation aurait été ainsi entendue, se sentirait plus proche des autres « intellectuels » qu’il rencontrera dans le village où il exercera ses fonctions. Par suite, la distance serait moins, grande aussi entre les élèves de l’école primaire et