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deux enseignements voisins et parallèles, et il faut seulement espérer qu’ils cesseront de se traiter en ennemis. L’école unique, en ce sens, a déjà vécu. Ou son heure n’a pas encore sonné.

Une autre école unique dont l’heure est loin de sonner est une école unique internationale, reliant par-dessus les frontières les petits frères étrangers et, par l’unité des programmes, par tout un réseau de publications, par des échanges et des voyages, devançant les espoirs de la politique, et créant une société des enfants avant celle des hommes et des nations. Sans doute, de tous les enseignements nationaux, l’enseignement français, si largement humain, est celui qui aurait le moins à apprendre et à désapprendre. Puisqu’il demeure en lui tout de même quelque accent qui lui est propre, et puisque le culte de la patrie s’y insère, nous tenons à cet accent et à ce culte au point de ne pouvoir supporter l’idée seule d’une discussion à leur sujet. Outre que cette démission de notre personnalité intellectuelle, et le désarmement moral qui s’ensuivrait risqueraient de nous faire faire un métier de dupes, la naturelle diversité humaine vaut mieux que l’unité vide où on rêve de l’enfermer, sans espérer y réussir. Mais ce sont là projets en l’air.

Venons-en donc aux projets qui ont pris corps, et sur lesquels s’escrime en ce moment la presse pédagogique. Le problème a été défini, avec une clarté saisissante, par M. Herriot. On parle, dit-il, de deux jeunesses. En réalité, il y en a trois : celle des établissements libres, celle des classes primaires des lycées et collèges, celle des écoles primaires publiques. Ce sont les deux dernières, puisqu’on ne peut rien sur la première, qu’il faut réunir et fondre dans l’école unique. L’Etat ne doit pas faire concurrence à ses propres écoles primaires et constituer une éducation privilégiée dont la fortune seule des parents ouvre l’accès. On devine sans peine tous les arguments d’ordre politique et social qu’une pareille thèse peut invoquer, et on ne peut pas méconnaître la séduction démocratique dont elle s’enveloppe. M. Buisson comparait récemment, dans une assemblée de professionnels, la réforme à accomplir à celle dont il fut lui-même un des ouvriers après 1870, et d’où est sortie l’école laïque. On emprunte des arguments aux exemples de l’étranger : Allemagne où l’école unique s’appelle encore l’école fondamentale, Angleterre, États-Unis. Ces arguments devraient être discutés : le milieu social, les habitudes ne sont pas les mêmes et, en Angleterre,