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en chef de l’Opinion. En bon rédacteur en chef, celui-ci flaira le succès et demanda une série. On fit la série. Les articles étaient composés au jour le jour, si l’on peut parler ainsi des séances nocturnes où ils étaient préparés, puis relus et discutés en petit comité. La doctrine improvisée dans ces chaudes et charmantes discussions devenait aussitôt article de revue. Il faut être jeune, et militaire, pour avoir en matière pédagogique ces audaces d’improvisation. Tout cela est jeune, en effet, alerte, généreux. Et jamais la pédagogie n’avait sonné pareille fanfare, et plié ainsi son allure à celle d’une marche militaire. Des officiers n’ont pas le droit de signer. Il fallut trouver un nom de guerre, c’est le cas de le dire. Comme il était beaucoup question de démolition et de reconstruction dans le premier numéro à paraître, et en même temps d’une corporation qui se chargerait de cette double besogne, le mot de « compagnon, » évocateur de souvenirs qui cadraient avec ce genre de travail et ces aspirations, fut suggéré et adopté. Il était heureux.

On était bien peu pour former une corporation. Un appel signé de quelques noms, sept exactement, fut entendu : parmi les compagnons nouveaux figuraient Ed. Herriot et Louis Cazamian. On fut alors quarante-cinq, toujours anonymes. Mais, sur ces quarante-cinq, treize étaient décorés de la Légion d’honneur, vingt-deux blessés et trente-trois cités. Maintenant les noms sont connus : ce sont ceux de jeunes maitres ; maintenant les listes d’adhésion sont ouvertes, on a des statuts ; on a un président, M. Louis Cazamian ; on a un journal, la Solidarité ; on fait des conférences. Il n’y a plus de mystère, il n’y a plus rien non plus de militaire. Les temps héroïques sont passés.

Les « compagnons » avaient voulu faire du bruit. A cela ils réussirent. « Notre chère Université dormait. Il a fallu d’abord réveiller la bonne dame. » C’est fait ; et c’est un premier service qu’ils ont rendu. Autre élément de succès : ils remuent tant d’idées qu’il est difficile de ne pas être d’accord avec eux sur quelque point, ne serait-ce que sur la nécessité d’un enseignement professionnel plus développé et de l’éducation physique. C’est surtout dans la critique de ce qui existe qu’ils rencontrent des approbations. « Vous détruisez magnifiquement, » leur écrit celui qui devait devenir leur président. Un autre les appelle « les bons balayeurs. » Ils ont beau jeu : l’excès de centralisation, et l’excès d’individualisme, qui est une revanche,