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Mais, l’esprit ébloui du faste vespéral,
Qui fiance à la nuit le pâle crépuscule,
Et répand dans tes sens un émoi musical,
Tu ne vois pas, dans l’ombre, au fond de ta cellule,

Assis, genoux unis, sur ton large escabeau,
Maniant tes outils dont la lourdeur s’allège,
Ineffablement pur, indiciblement beau,
Un visiteur céleste aux six ailes de neige !

Cet archange reprend en secret ton travail :
Il fleurit de carmin tes vers enthousiastes,
Et jusqu’au point du jour, mêlant l’or à l’émail,
Il arme tes Vertus de flamboyantes hastes.


L’ENCENS ÉCRASÉ


La novice gémit de l’abandon divin :
Tu l’écoutés dans l’ombre :
Elle est un vase empli de fiel et non de vin,
Dans une crypte humide et sombre.

Les lys que le Seigneur habille de clarté,
Dans les champs de la Bible,
Offrent, hélas ! en vain, à sa stérilité,
Une rosée incorruptible.

Elle vit dans la mort et respire la mort :
Tout l’afflige, la blesse ;
Et l’oraison mentale, hier son réconfort.
Ne fait qu’augmenter sa faiblesse.

Tu l’écoutés dans l’ombre où rayonnent ses pleurs ;
Tu lui dis que, féconde
Comme un ruisseau d’avril dans la vallée en fleurs,
La grâce lui rendra son onde.

Le souffle du Malin décolore son front :
Qu’elle accepte l’épreuve !
Après les jours si lourds, les jours légers viendront
Illuminer son âme neuve.