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Ma vie antérieure, an parfum des encens,
Dans la ferveur des cierges,
S’ouvrit comme un éden, oublié par mes sens,
Et fleuri par des vierges.

Je retrouvai mon cœur tel qu’il était jadis,
Dans les âges mystiques ;
Et sous l’habit du moine, au seuil du paradis,
Je chantai des cantiques.

Je fus le familier d’Herrade de Landsberg.
Flambleau de notre histoire ;
Je portai son missel, vêtu de velours vert,
Et sa crosse d’ivoire.

Je préparai pour elle et l’encre et la couleur
Et les parchemins lisses ;
Et je vis rayonner dans le soir sa pâleur,
Au Jardin des Délices.

J’entendis résonner, sous les arceaux obscurs,
Ses paroles latines ;
Et je suivis son ombre, aux blancheurs des vieux murs,
Quand sonnaient les matines.

Aussi, d’un doigt pieux, fixant mes visions,
J’ai traduit l’invisible ;
J’ai serti dans mes vers, tout frangés de rayons,
La Perle incorruptible.

J’ai dessiné l’Abbesse, amoureuse du Christ,
Amicale à Virgile,
Telle qu’elle pleura, telle qu’elle sourit,
Sur le mont Sainte-Odile.

La logique du Rêve ordonna ce travail,
Et guida mon extase ;
Et c’est Dieu qui lui-même au ciel de mon vitrail,
Fit brûler le saphir et flamber la topaze.