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prolongeait le repas, revenait sur le passé, aimait à raconter des anecdotes sur l’Egypte et sur la Syrie. Sortant de table, il regagnait sa chambre à coucher, suivi de Montholon. S’il le renvoyait, il se mettait au lit, et se faisait faire la lecture par Marchand, jusqu’à ce qu’il s’endormît. De deux à trois heures, il prenait son bain ; il y dictait, ou il causait avec l’un des généraux qu’il avait fait demander. S’il se sentait souffrant, il ne s’habillait pas, se mettait au lit pour provoquer la transpiration qui, si elle s’établissait, lui faisait toujours du bien. S’il n’était pas souffrant, « il s’habillait aussitôt : bas de soie, souliers à boucles, culotte de casimir blanc ; il restait le torse nu pour faire sa barbe, si c’était le jour, car, à Sainte-Hélène, il ne la faisait que tous les deux jours. » Après tous les détails d’une minutieuse toilette, « il se faisait brosser les épaules et le corps, insistant pour qu’on appuyât sur la partie du foie, en appuyant vivement de même sur l’épaule droite où il ressentait une douleur. On lui versait ensuite de l’eau de Cologne dans la main, et il s’en frottait le côté, la poitrine et s’en jetait sous les bras. » Il se lavait ensuite la figure dans un grand lavabo d’argent que Marchand avait emporté de l’Elysée ; il prenait de sa tête, de ses mains et de ses ongles, des soins minutieux, et il s’habillait : veste blanche, habit de chasse vert, sans les boutons dorés, mais avec la plaque de la Légion ; chapeau d’uniforme, pas d’épée.

A quatre heures, il ressortait, inspectait ce qu’avaient fait les Chinois, dont le nombre avait été augmenté de quatre, pour l’entretien des jardins, et qui recevaient de l’Empereur trente shellings par mois, en dehors de la solde et de la nourriture du Gouvernement. Il s’amusait à arroser avec une petite pompe « qui avait été achetée, dans laquelle on mettait de l’eau et qui, posée sur des roues, se transportait aisément sur tous les points du jardin. » Saint-Denis ou Noverraz faisait agir le balancier, et l’Empereur s’amusait à diriger lui-même le tuyau là où l’arrosage lui semblait utile.

Dans les jardins, il attendait ainsi en se promenant l’heure de son dîner. En sortant de table, il montait en calèche avec Montholon, parfois, rarement, avec Bertrand, et jusqu’en juillet 1820 il descendait chez Mme Bertrand à laquelle il faisait une visite. La brouille vint de ce qu’elle voulait partir pour l’Europe, convaincue par Antommarchi, que le grand-maréchal