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ruse » qu’avait prédites le président du Conseil et elle a multiplié les manœuvres pour détourner le coup dont elle était menacée. Elle avait souvent essayé de s’appuyer sur l’Angleterre pour se dérober à ses engagements envers nous ; elle a tenté de s’appuyer sur l’Amérique, pour nous embarrasser, les Anglais et nous. Elle comptait que son infernale propagande n’aurait pas été sans ébranler un peu l’amitié dont les États-Unis nous ont donné des preuves si touchantes et elle espérait que tout le talent de M. René Viviani et toute l’autorité de M. Jusserand seraient impuissants à remonter le courant déchaîné par les germanophiles. Elle savait que l’Amérique n’est malheureusement pas toujours renseignée d’une manière très exacte sur les choses d’Europe et qu’à la distance où elle est de nous, il est quelquefois aisé de la tromper. Pour avoir un exemple des erreurs d’optique auxquelles elle est exposée, nous n’avons qu’à parcourir une étude qu’a récemment publiée M. Pierrepont B. Noyes, ancien commissaire des États-Unis dans les territoires rhénans, sous le titre significatif : Pendant que l’Europe attend la paix, While Europe waits for peace. M. Pierrepont B. Noyes n’est pas le premier venu. Pendant les négociations de 1919, avant la signature du traité de Versailles, il faisait déjà partie de la commission provisoire de la Rhénanie ; et c’est lui qui, le 27 mai 1919, a soumis au président Wilson et fait adopter un programme d’occupation tout à fait opposé à celui que demandait le maréchal Foch. Il a été, depuis lors, délégué américain à la Haute-Commission interalliée de la rive gauche. Il a été président de la Commission interalliée du charbon en territoire occupé. C’est donc un personnage important. C’est, en outre, un esprit très distingué. Il a donné naguère sa démission des fonctions qu’il remplissait et le bruit a couru, en Amérique comme en France, qu’il se retirait en manière de protestation contre les procédés de l’Entente en Rhénanie. Il n’a certainement aucune prévention contre la France. Il rend hommage à son courage, à sa sagesse, à son esprit de sacrifice. Il fait l’éloge de M. Tirard et du général Degoutte. Il trace un tableau fidèle de la désolation de nos provinces du Nord et du Nord-Est. Il va même jusqu’à engager les États-Unis à nous faire remise de notre dette envers eux. Mais à des observations bienveillantes il mêle une multitude d’appréciations inexactes. Je néglige des erreurs de détail, si singulières et si graves qu’elles soient, comme l’aliégation qu’au mois de mars 1920 le délégué français à la Commission des Réparations aurait maintenu, vis à vis de l’Allemagne, dans la question du charbon, des exigences excessives ; un accord s’est, au