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l’ennemi, celui-là ne saurait aimer sa patrie. Si l’étranger remporte un avantage, on ne me voit pas, superbe et triomphant, paraître sur l’Agora, serrer les mains, raconter partout l’événement avec une joie mauvaise. Si c’est à nous qu’un succès arrive, je ne vais pas baissant les yeux, tremblant et gémissant, comme ces hommes dénaturés qui détestent la gloire de leur pays et oublient qu’elle est la leur. » Dubost avait immédiatement saisi mon allusion, et il était accouru pour me féliciter. Il pensait avec raison qu’il avait, pour une part, la garde du moral du pays et il remplissait sa mission avec une vigilance qui ne se relâchait pas un instant. Dans la plus épouvantable tourmente qui se soit jamais abattue sur notre pays, il est resté, du commencement à la fin, digne du haut poste qu’il occupait. Certes, si l’Assemblée qu’il a présidée pendant toute la guerre s’est elle-même montrée pleine de sang-froid et de fermeté, je ne prétends pas que ce soit à lui qu’il faille en attribuer tout le mérite. Mais son optimisme calme et raisonné n’a pas été étranger à cet état d’esprit collectif. Il a été un bon berger et un bon guide. Il n’a songé qu’à la patrie et il l’a vaillamment servie.

Pendant les négociations de paix, M. Antonin Dubost n’avait cessé de recommander les solutions les plus favorables à la France. Il avait vivement insisté, dès l’armistice, pour que les difficultés financières fussent réglées par des ententes interalliées et il avait même directement exposé ses idées à M. Wilson, qui les avait accueillies sans enthousiasme. Le traité signé, il l’avait accepté comme un pis aller, mais avec la résolution bien arrêtée de n’en rien abandonner, et dans toutes les difficultés qu’a, depuis lors, suscitées l’Allemagne, il a toujours été l’ennemi des atermoiements et des concessions. Il est de ceux qui n’ont pas attendu les derniers événements pour se rendre à l’évidence. Il a, tout de suite, crié gare. Il connaissait l’Allemagne et savait que pour elle la douceur et les grâces ne sont qu’un encouragement à la résistance. Nous ferons bien de ne pas oublier les conseils qu’il nous a donnés. Ils sont plus que jamais appropriés aux circonstances.

Les funérailles solennelles de l’ancienne impératrice Augusta-Victoria, les acclamations dont ont été salués Hindenburg, Ludendorff et Tirpitz, le ton de plus en plus insolent de la presse germanique ne peuvent nous laisser aucune illusion sur les dispositions de l’Allemagne. Suivant sa méthode habituelle, pour justifier sa mauvaise volonté, elle nous accuse des pires desseins. De même qu’avant le mois d’août 1914, nous voulions l’encercler, l’isoler et l’attaquer, de même aujourd’hui nous voulons la démembrer et la détruire. Le Hann