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par « un taffetas, » certain mal qu’on appelait sa « fluxion. » L’infante héritière de Portugal, blonde aux magnifiques cheveux, avec une jolie taille, un beau front, des yeux très vifs, ne voyait son père le jour que dans la pénombre de volets mi-clos, et le soir qu’à la clarté vacillante d’une seule bougie. Dès 1683, Louis XIV avait eu l’idée de faire épouser la séduisante princesse par François-Louis de Bourbon, qui serait ainsi devenu, à la mort de Pedro, roi de Portugal. Plus tard il avait voulu donner pour femme à ce Pedro, si malsain, Marie-Thérèse de Bourbon-Condé. Mais les deux cousins, François-Louis et Marie-Thérèse de Bourbon, demeurèrent en France, et ils s’épousèrent.

Les parents de Mlle de Bourbon étaient le nouveau prince de Condé (Henri-Jules) et sa femme Anne de Bavière. Au mois de février 1688, le bruit se répandit à Versailles que le prince de Condé voulait donner sa fille en mariage à Conti, qu’il avait parlé au Roi de son dessein, et que le Roi l’avait approuvé. Le futur, disait-on, aurait préféré Mlle de Blois, fille du Roi et de Mme de Montespan, celle qui fut, par la suite, Duchesse de Chartres. Sa disgrâce durait donc toujours, puisqu’il n’avait pu obtenir la princesse qu’il désirait.

Comme il arrive dans tous les mariages, on passa au crible les qualités physiques et morales de la fiancée. Moins petite que son frère et ses sœurs, descendance lilliputienne du Grand Condé, elle était bien faite et elle avait de beaux yeux. Il était malheureux qu’elle fût déparée par un « teint basané, » des « traits en mauresque, » un nez écrasé, un air légèrement hagard. Toutefois, « l’esprit vif et éclairé » de la princesse, sa bonté, son « humeur douce et engageante » charmaient les gens qui causaient avec elle. Le marquis de Sourches a résumé l’impression générale en écrivant qu’elle était fort spirituelle, mais fort laide.

Cette « jolie laide, » si on peut dire, avait un mérite auquel le prince de Conti n’était certainement pas insensible : elle l’aimait, et depuis longtemps déjà ; depuis le temps sans doute où elle le voyait exilé à Chantilly, chez le vieil oncle qui était son grand-père à elle, et qui regardait d’un œil favorable l’inclination naissante.

Le 9 mars 1688, les conditions du mariage étaient réglées. On avait la permission du Roi. Il ne manquait plus que celle du Pape, indispensable ; car les futurs époux étaient très proches