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collier de l’ordre par-dessus, » puis Monsieur, puis Monseigneur, enfin le Roi.

Dans la chapelle, le Roi prit sa place accoutumée, les chevaliers profès se mirent à sa droite sur des bancs, des sièges furent apportés à sa gauche pour les novices. Aussitôt, cérémonieuses et surannées, les révérences commencèrent, faites par les officiers de l’ordre, ensuite par les novices, à l’autel, au Roi, aux dames assises dans la tribune, et l’archevêque de Paris, commandeur, célébra la grand’messe du Saint-Esprit.

A droite de l’autel, s’élevait un trône sous un dais de velours bleu semé de fleurs de lys d’or, qui avait servi à Henri III en 1579, lors de la création de l’ordre, et qui portait encore, à côté des armes de France, celles de Pologne. C’est là que le Roi alla s’asseoir après la messe pour recevoir les nouveaux chevaliers : le duc de Chartres conduit par le Dauphin et par Monsieur ; le Duc de Bourbon par Monsieur le Prince et Monsieur le Duc ; le prince de Conti par le duc de Chaulnes et le duc de Saint-Simon, père de l’auteur des Mémoires ; le Duc du Maine par le duc de Créqui et le duc de Saint-Aignan. Chaque fois, les officiers recommençaient leurs révérences, les parrains allaient prendre le novice, le plaçaient entre eux, faisaient la révérence avec lui, et le présentaient au Roi.

A genoux devant Louis XIV, Conti écouta le greffier lire la formule ; il prêta le serment et, dépouillé du capot, il revêtit le manteau de velours noir doublé de satin orange, somptueux manteau de l’autre siècle où des broderies étincelaient ; mit le mantelet de toile d’argent orné de colombes ; passa le collier d’or massif formé de fleurs de lys, de chiffres du Roi et de langues de feu, qui supportait la croix de l’ordre sur la poitrine du chevalier.

Si alors, dans cet accoutrement à la Henri III, au milieu d’une cérémonie solennelle, sous les yeux de la cour attentive, . il avait saisi l’avantage de l’attitude humiliée que lui imposait l’étiquette, pour implorer son pardon, déclarer qu’il ne se relèverait pas avant de l’avoir obtenu, le Roi serait-il demeuré inexorable ? Bien des gens considéraient qu’un tel refus était impossible.

Mais non ; Conti se releva, regagna sa place, défila à son rang dans le cortège, et, le soir même, après vêpres, partit pour Chantilly. L’exil maintenant lui faisait honneur. On disait que le ressentiment du Roi ne persistait si longtemps, que parce que