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sur un thème toujours très étudié, laissant vivre et s’exprimer au naturel un esprit jaillissant, prudent en doctrine, hardi devant les mots qu’il faut dire, abondant en réminiscences de littérature ou d’histoire, homme de la digression, de la parenthèse, de l’exclamation, du trait inattendu, et, avant tout, de la longue expérience du monde et de la miséricorde. Par là, il était près de chacun de ses auditeurs ; par là, il était l’ami sûr et souhaité. Sa pitié pour les pécheurs, on peut dire sa tendresse, touchait les plus indifférents. On sentait qu’il les voulait meilleurs pour qu’ils fussent plus heureux, et, qu’il pensait toujours, pour ceux qui n’y songeaient guère, à l’heure définitive où ils paraîtraient devant Dieu, où ils seraient jugés, condamnés, malheureux, sans espoir de mourir, car la mort n’existe pas, même un instant : il n’y a que deux vies.

Le zèle extrême de l’abbé Huvelin, ses démarches, les visites qu’il faisait et celles qu’il recevait, son immense correspondance, — des billets courts, affectueux et nets, — le redoublement d’austérité dont, à certaines périodes, on eut la preuve sans en savoir les causes : tout s’explique par cet amour des âmes aventurées.

Pour une autre raison encore, et bien puissante, il était un conseiller auquel on venait tout de suite : il avait l’intelligence de la douleur humaine. Il y compatissait ; quelle qu’elle fût, il l’avait déjà rencontrée, consolée, relevée. Jamais elle n’avait pour lui un visage inconnu.

Ce que j’ai dit suffit à faire comprendre pourquoi toutes les misères humaines, tous les doutes et tous les repentirs allaient naturellement au conseil de l’abbé Huvelin. Il confessait à Saint-Augustin ; il recevait beaucoup chez lui. Quel robuste et agile esprit devait avoir ce malade et ce perclus, pour imaginer, successivement, tous les problèmes d’ordre moral qu’on lui soumettait, pour les étudier et les résoudre en un moment ! Mais il était doué d’un jugement si sûr qu’il débrouillait tous les cas, et d’une vue si pénétrante des dispositions intimes des personnes qui le consultaient, que plusieurs l’ont attribuée à une grâce singulière de Dieu. On cite même des circonstances où il a fait allusion à des événements passés et secrets de la vie de ses pénitents. Ses avis étaient clairs, simples, de bon sens, et il n’en changeait pas. Il les variait selon les gens. Il ne traitait pas les ours comme les hirondelles. Plus d’une fois, on l’a entendu