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poussent aux dernières limites. Ce noble sentiment fait faire chaque jour les plus belles actions... Le Maroc, à l’exception des villes et de quelques districts isolés, est très ignorant. Presque partout, on est superstitieux, et on accorde un respect et une confiance sans bornes à des marabouts locaux dont l’influence s’étend à une distance variable. Nulle part, sauf dans les villes et districts exceptés plus haut, on ne remplit d’une manière habituelle les devoirs religieux, même en ce qui concerne les pratiques extérieures. Il y a des mosquées dans tout qçar, village ou douar important ; elles sont plus fréquentées par les voyageurs pauvres, à qui elles servent d’abri, que par les habitants. »

Il est plus sévère pour l’Israélite marocain. Retenu à El Qçar pendant vingt-quatre heures, le 7 juillet, à cause du sabbat, il écrit : « Encore si l’on pouvait profiter de ce retard pour rédiger ses notes ! Mais c’est presque toujours impossible... A-t-on jamais vu, au Maroc, juif écrire durant le sabbat ? C’est défendu au même titre que voyager, faire du feu, vendre, compter de l’argent, causer d’affaires, que sais-je encore ? Et tous ces préceptes sont observés, avec quel soin ! Pour les Israélites du Maroc, toute la religion est là : les préceptes de morale, ils les nient. Les dix commandements sont de vieilles histoires, bonnes tout au plus pour les enfants ; mais quant aux trois prières quotidiennes, quant aux oraisons à dire avant et après les repas, quant à l’observation du sabbat et des fêtes, rien au monde, je crois, ne les y ferait manquer. Doués d’une foi très vive, ils remplissent scrupuleusement leurs devoirs envers Dieu, et se dédommagent sur les créatures. »

Pour visiter Tetouan, et surtout les monts Beni-Hasan et Chechaouen, Foucauld avait quitté la route de Tanger à Fez. Il la reprend, et, marchant dans une direction approximative Nord-Sud, il est à Fez le 11 juillet.

Là, dans cette ville connue, il espérait ne pas séjourner, mais qui n’a pas de temps à dépenser ne doit pas s’aventurer en pays de soleil. Un homme qui veut aller vite ! Et, qui plus est, choisit les chemins périlleux ! Un homme, — un juif, il est vrai, — qui semble oublier les dates et ne pas se souvenir du grand jeûne musulman ! Quelle impertinence ! On la lui fit sentir. Il a écrit, de Fez, à la date du 14 août, cette lettre l’adressée à son cousin, M. Georges de Latouche :