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Tel est le texte dont nous sommes actuellement nantis. Il offre surtout des avantages en puissance et, là encore, il sera ce que le fera notre volonté d’en tirer parti et de l’appliquer. Il est d’ailleurs surtout un instrument négatif, qui précise ce que les contractants s’engagent à ne pas faire dans les zones voisines, en laissant ouverte dans la leur la concurrence de tous les États non signataires.

C’est ainsi que se dessine l’avenir français dans la Cilicie, pays de riche avenir agricole, et marché favorable à notre commerce. La situation privilégiée qui nous est faite nous invite donc dès aujourd’hui à nous efforcer d’orienter vers les marchés français les produits locaux : céréales, laines, bois et surtout coton ; à créer un débouché important pour nos produits manufacturés, articles de luxe, machines agricoles et industrielles, matériaux de construction ; à assurer un emploi rémunérateur aux capitaux français dans la mise en valeur des richesses inexploitées de cette contrée fertile, qui a mérité le nom d’ « Égypte du Nord » et qui demeure presque, à l’heure actuelle, un pays neuf ; à user, enfin, du droit que nous confère l’article IV de l’accord concernant l’établissement de chemins de fer dans notre zone.

Voilà les avantages que nous vaudra l’exercice de nos droits, et qui seront le prix de nos sacrifices. Ils prendront d’ailleurs seulement leur pleine valeur quand la Cilicie aura pu être rendue tout entière à l’ordre et à la sécurité, et qu’elle sera affranchie du voisinage d’une zone de guerre qui est pour elle une incessante menace. Or, à cette heure, le Nationalisme turc demeure armé contre nous, et le traité de Sèvres n’est pas plus ratifié par les Puissances européennes qui l’ont signé qu’il n’est accepté par la Porte à laquelle il a été imposé.

L’opinion française s’en est émue à bon droit, et la presse a exposé la situation nouvelle que nous fait, en Orient, la solution de la crise grecque, qui est de nature à remettre en cause des questions considérées jusqu’ici comme réglées, mais qui peuvent peut-être prêter aujourd’hui à des solutions plus avantageuses. M.  Vénizélos disparaissant avec le régime qu’il incarnait, les Alliés peuvent ne plus se considérer comme tenus par les engagements qu’ils avaient pris avec le gouvernement précédent. Il faut considérer, en outre, que la paix sur le front