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différence, établie dans l’espace, sera marquée plus nettement encore dans le temps pour un même peuple, au fur et à mesure qu’il s’approchera du degré d’évolution devant lui permettre de compter davantage sur lui-même. Le programme se définit donc finalement en ces termes : organiser, diriger, contrôler, étant entendu que notre action prendra une forme nettement régressive, que nous pourrons bientôt nous borner à indiquer la voie en y maintenant l’organisme gouvernemental, pour lui donner ensuite la direction à suivre et, enfin, le laisser voler de ses propres ailes. En attendant, notre action éducative revêtira la triple forme politique, administrative et économique.

Au point de vue politique, pour les raisons mêmes qui ont fait choisir comme éducatrice la France, terre de liberté, nous désirerons recourir le plus tôt possible à la consultation des populations syriennes sur la forme à donner à l’organisation de leur pays. Déjà un recensement complet est entrepris dans l’État du Grand Liban pour que, dans toutes les parties où elle est possible, cette consultation populaire ait lieu au plus tôt. Il est de nombreux points toutefois, dans l’ensemble de notre territoire de mandat, où elle ne sera pas réalisable avant un long temps.

La forme même à donner à l’organisation générale du pays pose immédiatement une question qui préoccupe à bon droit l’opinion syrienne, précédemment flattée par le rêve unitaire de Feyçal. Plus modestes, nous n’avons pu aborder encore le problème dans toute son ampleur, ayant dû limiter notre action à la mesure des réalités. Il a été créé, conformément au vœu des populations, une série d’États dont la forme n’est d’ailleurs pas encore définitive. Ils seront évidemment moins lourds dans le fonctionnement de leurs institutions, et dans leur évolution, qu’un vaste empire de Syrie constitué artificiellement avec les éléments disparates que l’on sait. Il n’y a aucune raison, d’ailleurs, pour que cet État total ne devienne pas possible plus tard dans une forme qui reste à déterminer.

Ce serait dépasser les limites de cette étude que de discuter ici la question du fédéralisme syrien et de son organisation future. Jusqu’ici, les États ressortissant à notre mandat forment un tout unique, puisque c’est la France qui a charge de leur organisation et qu’elle est représentée auprès d’eux par un seul