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L’ŒUVRE DE LA FRANCE EN SYRIE.

On peut imaginer le développement qu’une situation pareille réserve à l’État et à la ville d’Alep, d’où la route est libre vers Mossoul, dont les pétroles doivent un jour faire la richesse du port voisin d’Alexandrette. L’accès est plus libre encore vers le vaste hinterland situé entre les deux grands fleuves de l’Oronte et de l’Euphrate, et dont à peine quatre et demi pour cent de la surface exploitable est cultivé, alors qu’un système d’irrigation, déjà ébauché, permettra dans l’avenir une mise en valeur intensive. On comprend ainsi l’ardeur des habitants d’un tel pays à veiller sur la forme politique, administrative et économique qu’affectera sa constitution.

Pour la réaliser heureusement, ils ont mis tout leur espoir en la France. L’accueil qu’ils ont fait au général Gouraud en a témoigné. Évoquons-en ici le souvenir.

À son arrivée par la gare allemande du Bagdad, le Haut-Commissaire est reçu par le général de Lamothe, commandant la division d’Alep, par le nouveau Gouverneur, ancien général de division turc, qui a mis son expérience au service de son pays libéré. Puis c’est le cortége, à la fois symbolique, touchant et pittoresque, de tous les représentants des différentes confessions et des diverses races, dont les chefs sont là pour accueillir le représentant de la France. Voici les ulémas, savants musulmans aux turbans blancs ou verts, les célèbres derviches tourneurs avec leurs hauts-feutres bruns cylindriques, les patriarches chrétiens aux larges barbes blanches et aux croix d’or, les ministres de tous les cultes qui, oubliant leurs querelles, sont venus saluer l’envoyé de la France. Les tribus Anezeh sont représentées par leur chef, Moudjem Bey, reconnaissable à sa grande robe de soie noire et or, et que suivent ses cavaliers. La général Gouraud lui remettra, en témoignage de loyale amitié, la croix de chevalier de la Légion d’honneur.

Le Haut-Commissaire est acclamé sur son parcours à travers la ville pavoisée, qui salue aussi l’amiral De Bon, commandant en chef l’escadre de la Méditerranée orientale. Tous les représentants de la population alépine donnent une nouvelle preuve du désir universel d’union et de travail, en se réunissant le jour même au grand Sérail, dans la magnificence d’un décor dont la vieille citadelle d’Alep forme le fond. Elle est la ruine grandiose d’une forteresse sans cesse reconstruite par les différents conquérants qui occupèrent le pays, de l’antiquité à la domination